Il pleuvait. Les lumières des voitures, filantes dans le noir, projetaient des éclairs orangés sur les vitres du bar. La chaleur y était moite, la fumée semblait y danser avec les murmures éclatés des bulles de champagnes. Ce fut là, sous les projecteurs qu'ils se reconnurent pour la première et dernière fois.
Lui était un piano vieux et fatigué, qui avait passé sa jeunesse dans des clubs "chauds" où il jouait toujours trop fort. Elle était une trompette jeune et jolie, qui n'avait jusqu'alors connue qu'un opéra commun, mais qui ce soir avait envie d'aventure et d'amour. Leurs regards blancs et noirs ne firent qu'un sous les projecteurs, par cette nuit pluvieuse que ne bénissait aucune lune, une messe noire érotique et cuivrée, bleutée et douce, à donner des frissons aux étoiles et des rougeurs de diables aux prêtres les plus puritains.
Elle pleure encore lorsque parfois, les matins un peu trop chagrins , elle se souvient de leurs caresses musicales et de leurs vas-et-viens mélodieux. Il ne lui laissa qu'une partition froissée comme des draps, une fausse note sur le la...et une fille, avec les cheveux de sa mère et la voix de son père.
Melody Gardot, c'est très exactement cela.