Je ne fais jamais de critiques négatives. Mais quand je vois que le dernier Booba est à deux doigts de dépasser To Pimp A Butterly chez mes éclaireurs, la sueur commence doucement à perler sur mon front.
La question que je me pose, elle porte sur la direction du rap français. Quand je vois que le podium des ventes de rap en 2015 est assuré par Jul (66 394), Booba (35 138) et Rohff (20 582), je me demande pour quelles raisons les gens écoutent du rap. Qu’est-ce que les gens en retirent ? Encore plus facile : dans quelles circonstances écouter un Booba aujourd’hui ?
Quand je pose le question de la supériorité de Booba sur Twitter, on me répond la diversité des sons, les intrus et les lyrics de « ouf ». On me dit qu’on peut pas comparer à d’autres styles de rap mais je l’entends le Booba à crier avec ses potes Wu-Tang Clan et ça me fait un petit pincement.
Quand je vais regarder sur Rapgenius, sous la phrase « le rap français Calogéroisé », je lis ça :
B2O insinue ici que le rap français s'est trop démocratisé afin de
plaire au plus grand nombre et laisse de côté l'esprit originel de ce
genre, dont il se considère comme l'un des derniers “vrais”
représentants.
De nouveau, petit pincement.
Je ne vois que des sons lourds, mais dans le mauvais sens du terme, ou alors enzoukés à la Keen’ V (Validée). Je ne vois pas de fulgurances lyriques, pas de trouvailles particulièrement spectaculaires, que des punchlines qui manquent de percussion. Ca parle des mamans sur chaque titre, juste à côté de propos assez dérangeants (Pour déstresser, je fais des prises d’otage). C’est d’une vulgarité innommable, ça fait dans le très sale gratuitement. Et pourtant j’aime ça, le sale à l’extrême, mais pas dans ce contexte.
Je sais qu’on ne demande pas aux rappeurs d’être des poètes, maniant la langue française avec une exquisité sublime, même si certains y parviennent, mais j’ai parfois l’impression qu’on ne parle pas le même langage. En même temps, toutes les langues méditerranéennes y passent.
Au moins pas d'auto-tune omniprésente, qui le sauve d’un naufrage abominable à la Jul, même si il ne la délaisse pas totalement. Et paradoxalement son utilisation sur 92i Veyron est magistrale, je ne pensais pas dire ça un jour. Quelque musicalité fortement intéressante et agréable donc (92i Veyron, Charbon), mais ça reste trop rare.
Je vois pas non plus de fil rouge, pas d’objectifs, sinon emmerder Rohff, pas de nouvelle vision, juste du booba à mettre sous le sapin pour votre maman la wisigoth.
S’imposant en maitre absolu d’une scène française à deux vitesses, Booba incarne avec un succès inégalé la branche de l’egotrip, du buzz clash, du gratuitement sale. Et j’ai toujours du mal à comprendre.
NB : Je n’ai pas la prétention d’avoir une grande connaissance du rap français. J’ai grandi avec Sniper, Sinik, Disiz et j’ai une affection pour la nouvelle génération des Orelsan, Nekfeu, Youssoupha, tout en ayant récemment découverts des Hugo Tsr, Davodka et surtout les Dooz Kawa et Klub des Loosers. C’est juste dire que je pense pas avoir une quelconque légitimité pour juger d’un monde dont je ne connais que la surface. Mais ça ne m’empêche pas de m’interroger sur le monde du hip-hop qui m’a déjà tant apporté.