Le dernier effort du duc de Boulogne, D.U.C, m’avait laissé perplexe. Alternant entre le très bon et le très mauvais (G-LOVE, quand même), Booba semblait prêt à s’ouvrir à de nouveaux horizons musicaux qu’il ne maîtrisait sans aucun doute pas. Tel un fidèle déçu, j’ai alors tourné le dos à celui qui pendant longtemps avait été à mes yeux comme aux yeux de beaucoup l’incontestable numéro un. C’est alors que l’annonce de ce deuxième album de 2015 a créé chez moi une grande attente, au moins aussi importante que la crainte d’un album jumeau du précédent, crainte renforcée lorsque le petit frère de G-Love, Validée, a fait son apparition dans la tracklist.
Oui mais voilà, dès le premier morceau du projet la crainte est dissipée. C’est bien simple : Booba a décidé de prendre les armes pour venir couper des têtes, défendre avec hargne, poussé par une haine infinie, ce trône qu’on lui conteste de plus en plus, revenir en «mode Manu le Coq ». La vengeance, c’est le titre du projet et son fil conducteur, dans le texte ou les titres de morceaux (Talion). Dans ce projet on a un Booba qui retrouve une écriture sombre «Cagoule sur le jnoun c’est pas du Mickaël Youn », fine «t’as une formule 1, mais t’as le syndrome de la Charrette», tirant à tout va « je leur fais toujours à l’envers, je mets de l’harissa dans leur camembert», déchiquetant tout sur son passage, à coup de machette «ce négro m’a pris pour une pute donc je le baise».
Liste non exhaustive de coup de massues assénées tout au long du projet.
Ce dont il est question ici c’est d’une guerre. Une guerre du rappeur de Boulogne contre tous ceux qui ne sont pas de son armée, mais aussi probablement une guerre du DUC contre le DUC. Prouver qu’à presque quarante ans il n’a rien perdu de la hargne qui était sienne, prouver qu’il a encore, pour reprendre l’expression de WEBER, le « monopole de la violence légitime », lui qui est le seul à pouvoir terrasser ses ennemis un par un, ne leur laissant que les miettes et c’est sans aucun doute tout ce qu’il restera après ce NERO NEMESIS. Des miettes, que ceux qui mendient près du trône ramasseront très certainement avec plaisir enviant un règne qu’ils ne connaîtront probablement jamais.
Hormis Validée (qui terni à mes yeux la note du CD qui aurait pu tutoyer les sommets sans), chaque morceau trouve sa place, entre introspection (92i Veyron, Charbon) et véritable chants guerriers (Zer, Attila) ce qui élargi le spectre des émotions du disque, qui sent la mort, les catacombes et le bitume humide et glacé.
Mention spéciale à Pinocchio, meilleur morceau de l’album, DAMSO et GATO y allant de leur impitoyable coup de glaive.
J’ai cru que D.U.C était le dernier fait d’arme de Kopp, le requiem d’une carrière longue de vingt ans et qui n’avait à mes yeux jamais connu pareil bas. Mais l’artiste est doué et cachait des fins biens plus sombres. En signant en cette fin d’année son meilleur album depuis LUNATIC, Saddam Hauts-de-Seine n’a qu’un but : couronner celui que l’on appelait jusqu’ici duc. Le duc est mort, vive le roi.