Pour moi qui avait 20 ans en 1977, la sortie en France des "45 tours" "Anarchy In the UK", "God Save The Queen" et, dans une moindre mesure "Pretty Vacant", des Sex Pistols fut l'instant le plus déterminant de mon existence de passionné de musique. Sans doute l'équivalent de ce que ressentirent les adolescents de 1957 quand ils entendirent le King pour la première fois sur les ondes. Ensuite, rien ne fut plus jamais pareil : mes voisins se mirent à me haïr, ne supportant pas le "bruit" chez moi ; je me coupai bien entendu les cheveux, et me mis à confectionner moi-même mes t-shirts. Plus significatif sans doute, je jetai à la poubelle une bonne moitié de ma discothèque, qui paraissait désormais totalement dépassée à mes oreilles. Et je me mis à apprendre à martyriser une guitare électrique, avec une pédale de distorsion. Cette musique avait tout simplement le pouvoir de mettre le feu à toute une société, et plus important sans doute, de modifier pour toujours votre perception du monde : ce "No Future" vomi para la voix acide, enragée, de Johnny Rotten, signifiait au contraire que le futur pouvait être complètement redéfini, et qu'il nous appartenait de le faire. L'album "Never Mind the Bollocks" qui suivit fut quand même une déception : malgré sa collection de chansons impeccables, malgré la répétition ad lib de la furie "pistolienne", le miracle de la révolution avait déjà eu lieu, et ne se répéterait pas. "Never Mind the Bollocks" n'était qu'un bon album de plus, d'ailleurs inférieur au premier Clash, moins rigolo que le premier Damned, mois sauvage que le premier Saints. Un bon disque punk, un peu trop propre (Chris Thomas oblige), un peu trop "évident". Les Pistols avaient déjà vécu, et vaincu de toute manière. Cela n'avait plus d'importance, l'incendie avait été allumé ! [Critique écrite en 2013]