Nevermind était l'album que je trouvais le plus abouti du groupe quand j'étais un lycéen fan hardcore, c'est maintenant le seul qu'il m'est impossible de réécouter. Je préfère de loin aujourd'hui l'immaturité brutale de Bleach, le compromis d'un In Utero plus incisif et maitrisé ou même l'émotion funèbre qui se dégage de l'album/live MTV Unplugged.
Pourtant, il comprend des musiques d'une efficacité folle, très bien composées. Un mélange de lignes mélodiques pop mémorables à base de power chords soutenues par une basse tantôt lourde et profonde tantôt sautillante, le tout accompagné par la frappe puissante et fougueuse d'un Dave Grohl imaginatif. Il y a tout pour plaire. Les titres sont bien agencés entre-eux même si je trouve l'ensemble moins cohérent que dans In Utéro par exemple.
D'ailleurs, si je n'écoute plus l'album, c'est toujours avec un grand plaisir que je me remets les chansons individuellement mais TOUJOURS en version live.
En effet, je ne vais rien dire d'original mais Nevermind est l'archétype de l'album commercial, aseptisé, produit pour plaire au plus grand nombre. Autant je suis admiratif du travail de Butch Vig et de la qualité de travail du son (surtout en comparaison avec Bleach), autant le résultat me parait aujourd'hui totalement lisse, limite dénué de toute chaleur. Des chansons qui envoient sur scène ont tendance à passer sur l'album pour du pop-rock auquel on aurait mis un peu plus de distorsion et quelques cris. Breed, Drain you , On a plain...des exemples de musiques où le mix nous susurre "passez nous en radio s'il vous plait, on n'est pas bien méchantes. On peut se caler sans problème à coté de Smell Like Teen Spirit ou Come As Your Are".
J'aime la saleté, l'âpreté, la puissance brute en musique et encore plus quand on est censé parler de grunge à la base. Le passage à ce qu'on appelle pudiquement "rock alternatif" est sûrement mon problème principal. Territorial Pissings est la tentative à mi- album pour mettre un peu de brutalité au milieu du village mais même ce titre tout en violence avec ses trois accords de puissance parvient à sonner trop propre pour être vrai.
Bref, je suis forcément trop dur avec cet album. Je pense que c'est normal quand on remet une oreille sur des musiques qu'on a saigné durant une bonne partie de son adolescence et qu'on veut absolument se détacher de tout sentiment de nostalgie... Je serais facilement monté à 9 si on ne parlait que des morceaux en soi.
Et puis au fond, j'aime cet album pour une chose : c'était le seul de Nirvana que je pouvais mettre dans la voiture avec mes parents qui aiment uniquement la chanson française et ne supportent pas la moindre violence instrumentale/vocale.
Comment ça, ça rajoute de l'eau à mon moulin ?