On n’arrête plus le revival du rock féminin version années 90. Jusque là, The Cranberries (en ce début d’année 2012), ou Skunk Anansie (2011) par exemple, s’en étaient tirés avec les honneurs en régurgitant assez intelligemment la recette de leurs (meilleurs) succès. Patatras il en fallait un pour se planter et c’est Garbage qui s’y colle, lourdement s’il vous plaît, avec Not Your Kind of People. Autrefois on comptait ce quatuor parmi les leaders du genre, aujourd’hui il apparaît comme une momie en regard de la jeune garde, Gossip en tête de liste. En attendant de voir comment ce nouveau disque sera reçu par le public, cet échec artistique, qui souffre surtout d’un vrai anachronisme, nous conduit à nous pencher sur la naissance du succès de Garbage, dont on peut aujourd’hui affirmer qu’il était surtout dû à un certain opportunisme.

Déjà il convient de rappeler qu’après deux albums de haute tenue, s/t (1995) et Version 2.0 (1998) le groupe n’était plus que l’ombre de lui-même à l’aube des années 2000. Rien d’étonnant si l’on considère que la valeur de Garbage reposait avant tout sur l’œil aiguisé que portaient alors leurs fondateurs sur l’actualité rock. En 1995 on se remettait à peine du suicide de Kurt Cobain, et dans la sphère indépendante une techno abordable prenait son essor (via Leftfield notamment) tandis que le trip-hop vibrait avec Portishead. Garbage s’est intelligemment installé au confluent de ces styles, entre continuité et défrichage de nouveaux territoires sonores, sous la houlette d’un trio de producteurs (dont celui de Nevermind de Nirvana, le dénommé Butch Vig) malins comme des singes. En jouant sur deux tableaux, la nostalgie et l’air du temps, le combo a fait son trou au gré de mélodies sucrées et bien senties.

Cela considéré, le come-back raté que représente Not your Kind of People n’est donc qu’à moitié surprenant. Car que pouvait bien nous dire Garbage en 2012, alors que le grunge et le trip-hop sont maintenant morts et enterrés, et la techno une institution établie ? L’effet novateur a disparu, et il reste peau de chagrin si l’on en juge par ce nouvel album, qui s’évertue péniblement à retrouver les vertus des mixages avec une liste de pistes et d’effets longue comme le bras (exception faite des rescapés « Automatic System Habit » et « Man on a Wire », entraînants). Cette formule a largement contribué à la réussite des deux premiers opus, mais elle a fait long-feu. Et chaque morceau repose désormais sur l’accumulation pure et simple, jusqu’à la nausée : boîtes à rythme, batterie, claviers, basse, guitare, boucles, tout cela confine à présent au salmigondis quand auparavant on pouvait s’extasier de belles alchimies. Même Shirley Manson, la chanteuse, a perdu de cette grâce et de cette fragilité qui contrebalançaient joliment la déferlante de bruits concoctés par ses collègues.

Finalement la mode Garbage (qui signifie « poubelle » en français), c’était, au-delà du recyclage novateur, cette capacité à attirer aussi bien les foules en deuil du grunge que celles, naissantes, qui se tournaient vers l’avenir. Cet avenir est aujourd’hui obsolète, et en répétant les mêmes procédés de nos jours comme si de rien n’était, Garbage est devenu une caricature fatigante de ce qu’il pouvait être à son meilleur. La flamme et le regard perçant du quatuor sur le monde musical semblent avoir bel et bien disparu…

Francois-Corda
4
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le 2 janv. 2019

Modifiée

le 11 juin 2024

Critique lue 99 fois

François Lam

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