Lettré intarissable, amoureux des arts divers, Mikael Akerfeldt nomme son second groupe d’après Opet, la ville fictive de la lune, du roman de Wilbur Smith, Sunbird. Il débute en son sein dès 1990 en tant que bassiste, avec son camarade chanteur et guitariste David Isberg. Deux années plus tard, ce dernier quitte Opeth et laisse vacantes les places de vocaliste et guitariste. Akerfeldt décide d’assumer les deux. Entouré du talentueux Peter Lindgren, guitariste, de l’essentiel Johan DeFarfalla, bassiste, et du percutant Anders Nordin, batteur et pianiste, il compose Orchid, dont la naissance physique a lieu le 15 mai 1995. Soit cinq ans après la naissance du groupe, ce qui est loin d’être anodin lorsque retentissent les premières notes du morceau d’ouverture, « In The Mist She Was Standing ».
Ce vacarme mesuré est d’une maturité rare dans le cadre d’un premier album, ce qui n’est pas réellement étonnant puisqu’il s’agit là du fruit d’une longue réflexion puis d’une non-moins longue élaboration entre musiciens patients. D’ailleurs, Orchid est très souvent cité parmi les meilleurs albums d’Opeth, ce que je me permettrai par la suite de contester. En outre, il reste difficile de comparer ce premier effort à un Blackwater Park, encore moins à un Heritage. Tout en demeurant relativement iconoclaste, l’œuvre s’inscrit assez docilement dans son époque : si Orchid est avant tout un témoignage poignant et original de death metal à tendance folk et progressive, une atmosphère gothique propre à cette période (1990-1994) prédomine dans les phases que l’on qualifiera de « claires ». Dans la production, l’arrangement des pistes de voix, la basse, les guitares acoustiques, le piano, Opeth s’allie aux sonorités des Dead Can Dance (période Aion), ou des Cranes (période Wings Of Joy).
Ces considérations réelles et finalement assez subtiles ne choqueront pas le néophyte. D’ailleurs parlons-en, du néophyte. Est-ce qu’Orchid, de par son statut d’album introductif, constitue l’ouverture idéale au monde musical d’Opeth ? Surtout pas. D’abord parce qu’il ne s’agit pas du meilleur album du groupe, ni celui qui définit au mieux sa quintessence stylistique. Tout ceci est encore quelque peu chétif dans la violence. Les expérimentations ne touchent pas toujours leur but, surtout en ce qui concerne les alternances entre phases agressives et phases d’accalmie. Pardonnez l’expression clichesque (maintenant, pardonnez le néologisme), mais certaines tombent parfois comme un cheveu sur la soupe. Le principal défaut, vous l’aurez compris, réside dans le manque de cohérence de l’œuvre dans sa généralité. Quand, de surcroît, la production elle-même, trop confinée, trop isolée, phagocyte l’appréhension atmosphérique de certains passages de l’album, alors il n’apparaît pas exagéré de réfuter les théories (et elles sont nombreuses) selon lesquelles Orchid serait le meilleur album d’Opeth.
Nul besoin cependant de tomber dans le manichéisme de bas-étage. Il faut noter la maestria d’Akerfeldt, dans sa capacité à créer des constructions instrumentales à base de progressions épiques et de puissance assourdissante, mais aussi dans sa propension à proposer des thèmes déjà captivants (seconde moitié d’ « Under the Weeping Moon » par exemple). Quelques bons moments sont à déceler, mais le meilleur est à venir car non, Orchid n’est pas le chef d’œuvre vanté par les hordes fanatiques.