Sorti quelques mois seulement après le monumental L.A. Woman, Other Voices marque un virage radical dans la carrière des Doors. Il est ainsi remarquable de constater l’humilité du disque, qui ne cherche à aucun moment à copier ce que le groupe faisait lorsque Jim Morrison était encore vivant. Cela confirme que le chanteur n’était certainement pas l’unique artisan du succès des Doors et qu’il était accompagné par des musiciens talentueux, mais montre cependant qu’il est la raison principale de leur caractère légendaire. Other Voices contient en effet assez de bonnes chansons pour être un album réussi, mais l’ensemble reste néanmoins très propre et lisse, là où la marque The Doors rimait avec mystère et impureté. Jamais Robby Krieger et Ray Manzarek ne se révèlent ainsi à la hauteur du chant de Morrison, et ce sont les parties instrumentales qui sont en général les plus appréciables. Les deux chansons introductives, « In The Eye Of The Sun » et « Variety Is The Spice Of Life », encore dans l’ambiance de L.A. Woman, sont gâchées par les voix désagréables, et il faut attendre les envolées de « Ships W/ Sails », plus éthérées et hypnotiques alors que l’atmosphère latine du titre s’éloigne des inspirations habituelles du groupe, pour obtenir quelque chose de pleinement satisfaisant. « Tightrope Ride » parvient elle aussi à faire oublier Morrison grâce à la nervosité du chant de Ray Manzarek et les solos de Robby Krieger. Une fois ces deux sommets passés, le reste de l’album est convenable à défaut d’être grandiose. « Down On The Farm » offre ainsi quelques beaux passages calmes mais aussi un refrain un peu fatiguant ; « I’m Horny, I’m Stoned » reste plutôt sympathique ; « Hang On To Your Life » renoue avec ces inspirations latines qui conviennent bien au nouveau visage des Doors ; et seule la belle ballade « Wandering Musician » se démarque réellement.
Other Voices est en somme un album réussi par bien des aspects mais trop inoffensif pour se placer au niveau habituel des Doors. Les membres survivants du groupe n’ont clairement pas cherché à en faire un hommage à leur leader disparu, ce qui peut paraître un peu dommage mais montre aussi l’honnêteté de leur démarche : ils ont décidé de tourner la page en faisant tout simplement ce qu’ils savaient faire, composer et interpréter de la musique. Et le résultat est tout sauf honteux.