Otta est la voie de la peur et du désespoir - Solstafir inaugure ainsi sa nouvelle aube
Lorsqu’un esprit avance sur son chemin, sans s’abandonner, sans chuter, sans se remettre en question malgré les incessants obstacles jonchant le sol de la tortueuse route de la vie, il évolue indubitablement. Murir n’a jamais été une vérité psychologique, mais seulement l’aboutissement d’un Voyage Initiatique Spirituel avant tout personnel. Dans le monde des arts - surtout ceux de la musique, de la création plastique (sous toutes formes) et de la littérature – on ne peut fermer les yeux sur l’évolution de tous artistes confondus. Et Solstafir a atteint ce stade d’évolution où sa propre mue l’a transformé en une autre entité spirituelle. L’intimisme d’un leader dans un groupe aide grandement à sa richesse musicale – chose que Nightwish a bien comprit – Mais qu’en est-il de l’intimisme de tous les membres d’un groupe réunie en une œuvre musicale ? Solstafir faisait partie de ces groupes qui nous peignaient dans son passé des fabuleux paysages vikings, mais qui, avec leur dernier opus « Otta », regarde vers l’avant sous une atmosphère nouvelle. La folie d’antan n’est plus, laissant place aux questionnements des limbes du temps écorchant la vie de tous êtres. Ainsi, la mélancolie, la peur, l’évasion prend place au sein de Solstafir. Dans ce dernier opus, tous les éléments traités sur les morceaux sont liés à un même mot maître du jeu : « Otta » qui signifie en islandais « La peur », « La crainte », le tout mêlé à un ancien système de mesure du temps constituant une journée en huit étapes – Un album en huit morceaux.
Dès le début, « Lagnaetti » démarre au plus calme, nous laissant le temps de nous immerger dans cette nouvelle atmosphère, ambiance glaciale. Car oui, « Lagnaetti » est un morceau glacial, évoquant la solitude, mais aussi la fraicheur matinale. Ce moment où la journée se réveille tout en restant sous le ciel nocturne. Pourtant, « Lagnaetti » s’accélère pour devenir une sorte d’apothéose, il finit par nous réchauffer, pour mieux nous introduire dans ce nouvel paysage musical islandais. Arrive la deuxième partie de la journée islandaise, « Otta », titre éponyme de l’album, mais aussi celui qui lie le désespoir évoqué sur les autres morceaux, et pour définir cela, les instruments jouent parfaitement leur rôle, entre un chant puissant tout en restant calme, exprimant la mélancolie, avec les échos lointains de violons accablant la tristesse, jusqu’à dessiner les brumes islandaises de la tristesse. Mais enfin, le jour se lève avec « Rismal », morceau très grave tout comme la désolation spirituel, la dépression exprimé en ce morceau. « Rismal » hurle sa ruine par de sonorités puissantes, étouffées et agressives, pourtant « Rismal » s’introduit dans un murmure silencieux, presque étouffé. Non, ce qui est agressif dans « Rismal » c’est la hurlante solitude interprétée par les puissants riffs de guitares faisant échos et réponses aux chants mélancoliques d’Addi. Le chanteur murmure, se lamente, et les guitares hurlent, et se lamentent aussi. Cette solitude se maintient avec la quatrième étape de la journée, « Dagmal », qui réchauffe l’île d’Islande par des sonorités plus rapides, puissantes, et un chant qui ne murmure plus, mais qui s’exclame en haut de la falaise bercée par la brume. La cinquième étape de la journée, « Middegi », s’assume encore plus, Addi hurle, et les instruments aussi. Tout se marie pour hurler la peine, les craintes et la souffrance. On veut se battre contre Otta. On veut continuer à avancer, et l’agressivité sonore de ce titre Post-rock fait trembler le chemin. « Non » annonce la fin de la journée islandaise. Le titre est plus long et plus soutenue, et la mélancolie perdure, la résonnance des précédents morceaux se tient mais elle s’adoucie. Puis enfin, la nuit tombe, la journée islandaise arrive bientôt à la fin, « Midaftann » nous l’illustre fabuleusement avec son introduction apaisante, nous laissant contempler le crépuscule islandais. Le soleil se couche, la bataille contre la mélancolie s’apaise. On murmure à nouveau, car on a pris conscience de certaines choses en nous. Et pourtant, la mélancolie perdure, encore et toujours, comme s’il s’agissait du reflet de notre ombre, ou alors, notre ombre elle-même. Le piano reflète cette sinistre mélancolie, mais il dessine une mélancolie plus adoucie, moins violente. Puisqu’Addi chante avec la mélancolie, est-il devenu lui-même la mélancolie ? Possible, son chant lointain est si puissant et calme qu’il exprime une tristesse assumée, intimiste, et cette fois-ci, les violons s’assument bien plus. Ils ne se cachent plus, ils sont en première ligne afin de nous affirmer qu’Otta règne encore en maître, et a pris possession de sa proie, à moins que cela ne soit l’inverse ?
Enfin, la nuit est tombée… « Nattmal » nous plonge dans l’aveuglement de la nuit, on se sent encore plus perdu, et pourtant, on ne panique pas, on reste calme, posé, mais quelque chose a changé en nous. Ce morceau est le plus long de l’album, et le tout dernier, son apothéose. Il assemble tout ce qui a été évoqué, travaillé, traité tout au long de la journée. Le groupe s’assume enfin sur un chemin brumeux, au milieu de l’île. Quittant sa folie d’antan, il fixe l’horizon, à la recherche d’un but lui étant propre.
« Otta » reste ainsi l’aboutissement d’une carrière sans en être sa fin. L’album tourne définitivement une nouvelle page pour le groupe, un nouveau chemin se dresse devant lui. A présent, les paysages de son Voyage Initiatique Spirituel lui permettent de vagabonder vers les contrées silencieuses où leurs hurlements de peines s’étoufferont dans les secrets de l’atmosphère mélancolique de l’île. Solstafir a su évoluer avec Otta, et une voie remplie de mélancolies, de désespoirs, de peurs et d’incertitudes. Qui donc peut savoir où ce chemin mènera le groupe ? Personne ni même Solstafir ne peut le savoir. Le groupe avait besoin de paysages où hurler sa peine, il ne nous reste alors qu’à le suivre au bout de ce voyage sinistre.
Aðalbjörn Tryggvason :
« Ces albums sont grosso-modo des albums d’amour. Ça parle de perdre des amis à cause de suicides, de drogues ou d’alcool. Ça parle de perdre des gens qu’on aime. Ça parle de trahir quelqu’un et de pardonner. Ce n’est pas très cool de dire que tu écris à propos de ce que tu traverses dans la vie, mais c’est en gros ce que nous faisons. Parfois même je n’aime pas parler de ces choses. Parfois, lorsque j’essaie de l’expliquer, ça sonne bizarre. Je n’écris pas beaucoup de paroles, j’écris uniquement lorsque je dois le faire. C’est donc très dur pour moi d’écrire des paroles. Et c’est donc encore plus dur pour moi de décrire de quoi elles parlent. »
(Extrait de l’interview d’Addi sur le site Radio Metal )