Black Noize
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le 15 oct. 2014
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Si Rave Age et Out of the Black, respectivement de Vitalic et Boys Noize, sont des albums de techno dignes d’intérêt, c’est parce que leurs auteurs placent la voix au centre du projet musical sans pour autant trahir leurs racines purement instrumentales. C’est un moyen pour eux d’ouvrir des portes vers d’autres univers. Cependant, derrière ces similitudes dans le genre et les partis pris, se distinguent deux utilisations assez différentes des cordes vocales.
Rappelons d’abord à qui nous avons affaire. Pascal Arbez aka Vitalic et Alexander Ridha aka Boys Noize en sont aujourd’hui à leur troisième album. Et ces deux là n’ont pas l’habitude de faire dans la dentelle. On parle donc d’une techno radicalement différente de celle, élégiaque, de The Field. Boys Noize et Vitalic ça bastonne, c’est cartes sur table direct, des filtres à gogo, des synthés agressifs. Ceci étant dit, on retrouve chez les deux hommes une certaine finesse dans la réalisation, de forme chez Vitalic (une certaine mélancolie affleure dans ses compositions), de fond chez Boys Noize (son travail sur le rythme est d’une belle complexité). Dans tous les cas, leur musique fonctionne à l’énergie, écrase tout sur son passage. C’est de la techno diplodocus, à la fois élégante et pachydermique (en cela le superbe monolithe noir qui orne le livret de Out of the Black illustre d’ailleurs à merveille l’univers de Ridha). Ce que la voix apporte à leurs formules respectives, optimisées lors de leurs précédents opus, c’est à la fois une approche plus ludique, popisante et un affinage de la technique rythmique.
Il faut d’abord noter que le Berlinois est plus proche d’une techno martiale, anguleuse, tandis que le français est définitivement plus dans la sensualité, les courbes. Cela se ressent forcément dans la manière dont ils utilisent l’organe vocal. Boys Noize s’appuie ainsi essentiellement sur des vocoders, à la fois pour renforcer l’aspect robotique de sa musique, mais aussi pour épouser, voire décupler la puissance rythmique de ses chansons. C’est évident sur « Ich R U », où la voix devient percussion, le reste du morceau étant construit autour des intonations hachées menues d’un couple qu’on imagine fait de boulons, de vis et de circuits imprimés. Pascal Arbez, lui, prépare plus qu’il ne soutient ses beats maousses. Une brute épaisse semble avoir été invitée à cet effet sur quelques morceaux de Rave Age. Et lorsqu’elle s’exprime par quelques mots pitchés* (tonalités plus basses bien sûr), cela signifie que l’on va bientôt recevoir un coup de massue sur la tête, que le beat va tout écraser sur son passage. On a le sourire aux lèvres et l’on se fait assommer sans déplaisir.
Finalement c’est lorsque l’humain (et non l’humanoïde) s’invite que Boys Noize et Vitalic voient les choses vraiment différemment. Le premier ne s’est jamais encombré de mélodies, la techno reste pour lui une affaire primitive. En ce sens, les apparitions en guests des rappeurs Gizzle et Snoop Dogg sont des réussites totales, leur flow enrichissant le langage rythmique de l’allemand. Vitalic a au contraire fait le choix de la séduction : quand on chante sur Rave Age c’est presque lyrique (« Rave Kids Go », « Fade Away »). Et, s’il faut reconnaître à Pascal Arbez un talent de mélodiste, on ne peut s’empêcher de penser que le pas suivant vers le grand public sera en revanche de trop, le putassier laissant entrevoir sa sale bobine, notamment sur « Under your Sun ».
Ce qu’on aime inconditionnellement dans Rave Age et Out of the Black, au-delà des facilités des deux compositeurs à produire de l’adrénaline à la tonne, c’est finalement quand ils font preuve d’audace et qu’on ne les reconnaît plus. On l’a dit, le pas de côté de Ridha vers le hip-hop est extrêmement convaincant parce qu’il crée une hybridité rarement entendue. Et Arbez peut se réjouir d’avoir trouvé dans la personne de Rebeka Warrior (Sexy Sushi), qui collabore à l’album, non seulement une voix (certainement l’une des plus sensuelles du moment d’ailleurs) mais surtout une parolière qui transforme sa techno en musique de club décadente. C’est dans ces échappées là que l’on sent que ces deux artistes ont le pouvoir de dessiner d’autres horizons pour le genre.
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Créée
le 3 janv. 2019
Modifiée
le 11 juin 2024
Critique lue 82 fois
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