L’album date de 1976 ce qui me parait indispensable à rappeler pour ceux qui le dénigreraient en 2014 (et ultérieurement). A sa sortie, il a obtenu un succès foudroyant et planétaire.
A l’époque en France, la musique électronique restait assez marginale, même si certains connaissaient Kraftwerk, Klaus Schulze et Mike Oldfield notamment. Pour les esprits chagrins qui imagineraient Jean-Michel Jarre bénéficiant de relations pour émerger, rappelons qu’il n’est pas apparu comme par enchantement sur la scène musicale, puisqu’il avait déjà enregistré un 33 tours et réalisé une BO, pour Les granges brûlées. Il avait quitté le conservatoire pour le GRM (Groupe de Recherches Musicales), organisme dédié à l’étude des musiques contemporaines pour trouver de nouvelles voies dans le domaine de la composition musicale. Quoi qu’on puisse penser de l’évolution de sa carrière, Jean-Michel Jarre est un passionné d’expérimentations (il a régulièrement utilisé des synthétiseurs à la pointe de l’évolution technologique), qui a un don pour les ambiances musicales, la mélodie. Dans le genre tuer le père, cet album se pose là, puisque Jean-Michel n’est autre que le fils de Maurice, compositeur de nombreuses BO de films, dont celle de Lawrence d’Arabie. Le style adopté par le fils est radicalement différent de celui du père, même s’il ne peut évidemment pas renier son apprentissage classique de la musique.
Si le succès d’Oxygène a été planétaire, c’est que son message est universel. Album purement instrumental avec un titre en un mot compréhensible par tout un chacun, associé à une pochette au dessin très parlant. L’ensemble éveille immédiatement l’imaginaire de l’auditeur.
La pochette montre la planète Terre sous la forme d’une tête de mort apparaissant sous l’écorce terrestre se craquelant. La Terre est en train d’exploser, aussi bien par étouffement (manque d’oxygène) que par dégradation de notre environnement. La vraie audace consiste à évoquer la nature avec de la musique entièrement synthétique, donc d’affirmer que le synthétiseur est un instrument comme un autre. Le message à tendance écologiste en 1976, n’est pas opportuniste mais réaliste ! Associé à l’illustration de la pochette, le titre sonne comme un cri d’alarme. Et même si le dessin d’illustration est morbide, il est esthétique, rappelant avec sa belle couleur bleue combien notre planète est déjà magnifique vue de loin. Malheureusement, l’activité (humaine notamment) fait des dégâts et la planète est en danger. On peut à l’occasion rappeler que l’atmosphère sur notre planète est apparue progressivement et que sa composition a varié au cours des ères successives. Si la vie est devenue possible à sa surface, c’est grâce à l’oxygène (21% de sa composition, en volume), le gaz que nous absorbons lors du mécanisme de la respiration. Toute variation menace un bel équilibre.
L’album comprend 6 plages musicales qui se suivent sans la moindre interruption (transition par du bruitage genre souffle, comme du vent ou le ressac sur une plage) qui pourraient raconter l’histoire de la planète Terre depuis l’aube des temps, ou bien son histoire après l’extinction de l’espèce humaine. Sur l’album on entend aussi bien le bruit de la mer et du vent que des cris d’animaux voire des chants qui rappellent les voix humaines.
Le ton général (à mon avis) est celui d’une sorte de nostalgie ponctuée d’explosions de joie, comme des bulles qui viendraient crever la surface de l’océan. A mon sens, certaines de ces explosions présentent un côté orgasmique tant elles sont lentes à venir. C’est l’occasion d’évoquer ce qui me semble le vrai défaut de l’album (et de Jean-Michel Jarre dans sa manière générale de composer), quand il trouve un motif musical qui lui plait, il le répète tant, qu’on a parfois envie de lui dire d’enchainer au lieu de faire du remplissage. Dans son tube (Oxygène 4), on peut également lui reprocher un rythme un peu trop lent ou égal qui donne à cette partie un côté mécanique à force de l’entendre (comme indicatif de certaines émissions par exemple). D’après ce que j’ai pu lire ici où là, ce qu’on reproche à Jean-Michel Jarre (outre son succès phénoménal forcément un peu suspect), c’est de chercher la séduction, par opposition à la musique radicale d’un groupe comme Kraftwerk. Certes, ce groupe a réussi, par sa musique lancinante et hypnotique à faire sentir le risque d’abrutissement par les actions répétitives des acteurs de la société de consommation, que ce soit par exemple lors de la conduite sur autoroute (Autobahn) ou au travail (à l’usine dans une chaîne voire à une caisse de supermarché). Je trouve qu’avec Oxygène Jean-Michel Jarre remplit pleinement son rôle d’artiste, puisqu’il propose une musique originale et agréable à l’oreille tout en délivrant un message universel. C’est vrai que près de 40 ans après sa sortie, l’album ne sonne plus comme une révélation. C’est quand même autre chose que de la musique de relaxation et il fait partie des incontournables de la musique du XXème siècle.