La pochette expose les faits : la mutation est en marche. Cette fois c’est bon. En reprenant les arcanes de ses précédentes atmosphères opressantes, Peter Gabriel fascine d’emblée avec « Intruder » et impose un l’univers sonique qui ne lâchera plus l’affaire. On s’enquillera donc le timbré « I Don’t Remember » et le politique « Games Without Frontier » (en duo avec la toute jeune Kate Bush) qui s’amuse à développer un climat de parano galopante plutôt réjouissant. Les mélodies en béton armé sont habillées par une production claire et limpide signée Steve Lillywhite qui se démarque par un mélange plutôt gonflé d’atmosphères romantiques et de thèmes introspectifs. L’apport de l’ancien compagnon de route Phil Collins est majeur. Ce dernier expérimente fort côté baguettes (« Intruder », encore) et une interprétation sans faille permet à Gabriel de s’engouffrer dans des zones émotives contagieuses et des textes de plus en plus engagés. Pour le même prix, on aura même droit à l’indéboulonable « Biko », témoignage poignant sur le meurtre de l’activiste anti-apartheid sud africain et qui deviendra l’un des fleurons de la protest-song des années 80. La tumultueuse carrière de Peter Gabriel prenait alors un tournant majeur. Inévitable. Impressionnant.