A quoi reconnaît-on un grand album de post-rock ? Au fait que le concept ne prenne pas le pas sur la musique. Avec Action Dead Mouse, en dépit d’un titre d’album en forme de films de SF Série Z, on pouvait craindre le fumeux : le nom choisi par le groupe italien est tiré sur d’une performance de Joseph Beuys qui met en scène la mort et la renaissance de l’Art. Idée intéressante qui voit l’art comme un bâton de relais transmis dans un cycle perpétuel d’extincion et de résurrection. A l’écoute de ce premier album, on oublie rapidement la philosophie pour jouir pleinement de la musique ; on se dit néanmoins que chaque membre du groupe a dû avoir une vie musicale bien remplie avant ADM pour parvenir aujourd’hui à un résultat aussi équilibré et maîtrisé. Avec eux, on retrouve tout ce qui nous a plu depuis 20 ans dans le rock indé US : les ambiances Slint, le son de Shellac, le lyrisme retenu d'Appleseed cast (Antistress, mia dolce Bess), les voix crues, rares mais déchirantes. Le groupe ne tombe jamais dans la sécheresse du math-rock (même si rythmiquement, le niveau est élevé), le bruitisme extrême (ce qui n’exclut pas d’avoir du tempérament) et plus généralement dans l’ésotérique, l’obtu ou le tarabiscoté pour le tarabiscoté. Dans un sens, Pets and Nerds attack planet earth est un album fédérateur comme pouvait l’être Explosions in the sky de the earth is not a cold place.
Le post-rock peut être une nouvelle forme de musique pop, avec des passages accidentés mais aussi des clairières belles et sereines. Il y a même un hymne enchanteur, Edgar, qui pourrait faire le bonheur des radios, si celles-ci étaient un peu plus ouvertes (et admettant un morceau de 6’ largement instrumental…autant dire que la cause est perdue). ADM, depuis sa création à Bologne en 2005, ne s’est octroyé qu’une seule coquetterie : celle d’avoir en son sein une viole. Les Italiens ne donnent pas dans le baroque fruste de Monsieur de St Colombe mais l’instrument module, affine, ajoute sa mélancolie naturelle au triumvirat guitare/basse/batterie. Ils pourraient faire sans (leur musique est naturellement classe) mais c’est mieux avec. L’album a été enregistré en 3 jours en prises directes dans les souterrains d’un immeuble à la périphérie de Bologne où le groupe avait depuis longtemps élu domicile. A vivre reclus sous des tonnes de bétons, on doit sans doute rêver de ciel bleu et d’air frais. Le plus sûr moyen pour faire jaillir la lumière est de sans priver. Une petite pensée pour les habitants de cette cité qui ne sauront probablement jamais que sous leurs pieds, à l’abri des regards, est née cette petite perle.