Impossible de faire l'impasse sur un groupe comme Tangerine Dream, et encore moins sur cet album souvent vu par certains comme une source d'influence majeure dans le monde de la musique électronique et accessoirement comme le grand chef d'œuvre de Tangerine Dream (même si quelques débats entre fans peuvent subsister à ce sujet)!
En effet, Tangerine Dream formé en 1967 avec Edgar Froese, Chris Franke, Peter Baunmann est une des principales références à la base de la musique électronique et est en ce sens une référence musicale et artistique impérissable (y a qu'à voir la taille monstrueuse de leur discographie)! Ce qu'il convient donc de préciser en premier lieu c'est que Tangerine Dream n'est pas le seul premier et unique précurseur de la musique électronique, ses fidèles concurrents étant issus du même mouvement : "Krautrock" (rock choucroute), que l'on nomme communément : "rock allemand". Ce mouvement musical voit le jour à la fin des années 60 avec des groupes tels que Can, Kraftwerk, et en l’occurrence ici : Tangerine Dream.
Ce rock allemand qui correspond à Tangerine Dream est révolutionnaire à plus d'un titre : ici aucune batterie, aucune basse, aucune (hormis à de rares occasions sur certains albums) guitare, la musique se veut froide et orchestrée à base de claviers...rien à voir avec du rock alors me direz-vous? En effet : c'est de "musique planante" dont il est question ici, créant plus tard ce que l'on appellera la musique : "New Age". Néanmoins, ce style au niveau des ambiances développées, de la recherche musicale et même de certains instruments utilisés, par exemple ici : un synthétiseur "VCS3" très popularisé par Pink Floyd (référence ultime du genre progressif/expérimental) permettait un travail très avancé pour l'époque au niveau des sons utilisés.
Sur cette pièce maîtresse de 1974, le groupe nous plonge au cœur d'une musique innovante et incroyable de par sa richesse et sa profondeur. A commencer par le tout premier morceau-titre d'ouverture "Phaedra" sur lequel une nappe sonore synthétique dont on jurerait qu'elle provient tout droit de l'espace vient nous cueillir et nous embarquer dans un voyage dont on se demande si il a lieu dans dans les étoiles ou au fond de l'océan. Puis l'on a un bruit de clavier se répétant infiniment et nous hypnotisant (l'usage d'un séquenceur a été nécessaire pour jouer automatiquement de manière prolongée certains sons), tandis que d'autres nappes de synthés spatiales et spectrales viennent s'y ajouter contribuant à dresser tour à tour une ambiance magique et inoubliable. Puis il y a ce brusque changement de rythme...une accélération soudaine des notes de claviers jouées...comme si le voyage que nous faisions était perturbé par une sorte d'urgence! Une fois l'accélération terminée dans un bruit sonore laissant place à des sons que l'on aurait envie d'apparenter à des cris d'animaux étrangement inconnus, on peut s'imaginer être arrivé à destination! Vous l'aurez donc compris la musique présente ici est propice au rêve et au voyage, suggérant sans cesse des images et des interprétations subjectives à l'auditeur, c'est en grande partie là que réside la clef du succès de Tangerine Dream! Le morceau suivant est annoncé par une apparition de lentes sonorités envoûtantes de nappes de synthés qui constitueront en grande partie la tonalité atmosphérique de celui-ci : "Mysterious Semblance at the Stand of Nightmares".
Toutefois, Tangerine Dream n'oublie pas de mêler sa musique aux bruits de notre quotidien pour lui donner un côté recherché (en ouverture du deuxième morceau on peut ainsi entendre des bruits d'enfants sortant tout droit d'une école), mais aussi pour permettre à l'auditeur de retourner brièvement dans le monde qui lui est familier afin de mieux mesurer ensuite le décalage entre celui-ci et la dimension spirituelle parallèle dans laquelle il navigue avec cette musique que l'on croirait venue d'un autre monde. Ainsi ce long deuxième morceau se veut plus lent, les changements de rythmes sont moins nombreux, mais au profit d'une plus longue immersion dans le côté profondément planant de cette musique. "Movements of a Visionary" développe en revanche le côté plus expérimental de Tangerine Dream en reprenant des accélérations de claviers similaires à celles du premier morceau mais en lui donnant une ambiance particulièrement prenante via un orgue imposant et impressionnant en fond sonore qui envahit le morceau de manière crescendo. Pour finir, l'album se conclut sur un morceau très court (2min17 pour Tangerine Dream : un record!) très minimaliste comparé au reste de l'album, mais absolument poignant, il s'agit d'un son de flûte chargé d'une mélancolie intense se répétant sous plusieurs fréquences.
En bref, "Phaedra" est une bien belle œuvre d'art propice à la méditation et au voyage, bien que son côté parfois "froid" et "austère" puisse en rebuter certains il n'en demeure pas moins que ce disque n'a toujours pas vieilli d'un poil depuis maintenant presque 40 ans...clairement une référence du genre! "
Chronique publiée le 25 août 2013.