THE CURE: "Pornography"
Le 4 mai 1982, il y a donc 35 ans, sortait « Pornography » 4° album de The Cure. À cette date, je n’avais pas encore 13 ans, je ne connaissais rien de ce groupe... Une cassette de cet album enregistré par ma cousine (alors très intrigante car en pleine période punk) a même trainé de longues semaines dans mon placard sans que j’y jette le moindre regard… « Pornography »… comment peut-on appeler un album de la sorte ?
Et pourtant, je m’en souviens très bien, un soir de colère et de frustration typiquement pré-adolescente, je décide de mettre cette cassette dans mon walkman, merveilleux cadeau d’anniversaire, qui me permettait surtout d’écouter la radio et de m’initier à mon propre univers musical… rien de formidable certes, les hit-parades de l’époque, mais c’était ma musique, celle que l’on n’entendait jamais chez moi…
A la première écoute, l‘impression est très déroutante : un profond sentiment d'antipathie m'envahit… on est accueilli par une douche froide, glaciale même. La voix tantôt plaintive, tantôt agressive était pour moi particulièrement angoissante… la basse est cinglante, la guitare est froide et incisive, le son pesant des claviers glace le sang, la batterie, elle martèle les tempes de manière presque douloureuse. L'ensemble est minimaliste et abrasif. On a le sentiment étrange d’être brulé par du froid… Jamais je n'avais entendu cela...
J’ai tout de suite trouvé ce disque très malsain, difficile à supporter même (pendant et après l'écoute), pourtant, bien que cette musique soit morbide et blessante, j’avais besoin d’y replonger et me laisser emporter dans les abymes dans lesquelles le groupe m’aspirait… J’ai vite compris que la douleur et le mal-être, ici exprimés sans artifices ni simulation, justifiait le titre de l’album où l’âme se dévoile sans aucune pudeur. Il me fallait acheter cet album, je devais en avoir un vrai exemplaire rien qu’à moi… La pochette a contribué à la magie de cette musique si différente… pas de portrait du groupe comme l’on trouve généralement, non… juste trois ombres fantomatiques noires sur un fond rouge sang (ce qui ajoutait au mystère) qui sont aussitôt devenues mes divinités…
Des premières paroles de l’album “It doesn’t matter if we all die” (One Hundred Years) aux dernières, “I must find this sickness, find a cure” (Pornography), Pornography est une véritable descente aux enfers pourtant mystérieusement salvatrice … cet album (puis le précédent, "Faith" tout en variation de gris) a été la bande son de mon adolescence... Si on ne ressort pas intact de l’écoute d’un tel disque, je pouvais en même temps dire fièrement à tout mon entourage : « avant j’écoutais de la musique, maintenant j’écoute The Cure »…