A y songer, Powerslave, c’est un nom qui claque bien quand même. Je me trouve un peu bête à essayer de vanter les mérites d’un tel album. J’aimerais lui consacrer un discours digne de ce nom, parce que bon… Powerslave c’est du haut niveau, on ne s’attaque pas à n’importe quel morceau. Un peu comme, en fin gastronome, on désire attaquer un plat divinement préparé, on n’ose à peine déstructurer la disposition des aliments et sauvagement les déchiqueter avec nos dents. Mais en notre qualité d’amateur d’art, on se doit de le faire.
Il s’agit donc du 5ème chapitre des aventures de la Vierge de Fer au pays du Heavy Metal, et à en juger la fabuleuse ornementation picturale de la pochette, on est en face d’un opus colossal. On est en 1984, et il n’y a pas de téléchargement ou de plate-forme streaming pour écouter les morceaux, on doit juger l’album soit par voie de presse, bouche-à-oreille, réputation du groupe ou bien… sa pochette. Et l’argument est solide de ce côté-là. Derek Riggs, dessinateur attitré des londoniens et créateur d’Eddie leur mascotte, n’en finit plus d’épater par ses coups de crayon. L’œuvre prend ici toute la place, si bien que le logo d'Iron Maiden et le nom de l’album sont discretement insérés sur la pochette, comme par peur d’empiéter sur ce temple égyptien dédiée au pharaon Eddie.
Cette grosse parenthèse faite, on peut enfin s’attaquer à la musique. Comme à chaque nouvelle production d’un groupe, on est immédiatement tenté de comparer avec ce qui a été produit par le passé. Piece of Mind avait un côté plus aventureux, parfois intimiste, proposant un Heavy classieux, propre et bien loin de la folie des 3 premiers albums. Powerslave est une évolution logique puisque le groupe atteint l’apogée de sa puissance.
Iron Maiden n’a jamais eu l’habitude de démarrer en douceur; « Aces High » et son intro légendaire ne déroge donc pas à cette règle. Le riff est comme toujours ultra-mélodique avant que la chanson décolle telle les spitfires de la Royal Air Force principaux protagonistes du morceau. La thématique guerrière chère à Steve Harris et sa bande fait de nouveau office de background pour ce fantastique titre d’ouverture et deviendra un classique de Maiden. Le chant de Bruce est cette fois parfaitement calibré et frôle la perfection sur le refrain. Son surnom d’Air Raid Siren n’est donc pas usurpé. De classique il sera de nouveau question sur la fameuse « 2 Minutes to Midnight » moins épique, mais tout autant ravageuse. Son riff se situe dans les meilleurs standards heavy de l’époque, bien que, il faut le dire, emprunté un tantinet au « Flash Rockin’ Man » d’Accept. Sa structure typique de Maiden est taillée pour le live. Refrain fédérateur, changements de rythmes, montée en puissance et bien sûr la basse furieuse de Steve Harris. Tout est présent pour faire vivre des émotions fortes en concert. Une réussite.
De toute façons, la Vierge de Fer, ne se loupera pas sur cet album d’une homogénéité exemplaire. La production à la fois brute et nette de Martin Birch fait merveille, chaque morceau possédant une force différente mais formant un tout des plus cohérents. Dans la logique de ce qu’Iron Maiden peut nous proposer de meilleur en terme de pur Heavy Metal classique. C’est l’essence même du groupe qui est définie ici, ajoutons à cela ce qu’il faut de classe pour éblouir l’auditeur, et le fan que je suis. Ce dernier point se ressent dans les morceaux de clôture: De vrais chefs d’œuvres du genre, n’ayons pas peur des mots. Rares sont les compos comme « Powerslave » et son break instrumental sublime à en pleurer ayant cette capacité à vous transporter. Ce titre éponyme capte parfaitement l’atmosphère égyptienne dépeinte sur l’illustration de Riggs. Adrian Smith et Dave Murray se livrant à un duel de soli des plus savoureux, supporté par la ligne de basse très inspiré du boss Steve Harris. Enfin, ce même Harris qui signe avec « Rime of the Ancient Mariner » le titre le plus long de Maiden, à ranger à coté des « Hallowed Be Thy Name » ; « To Tame A Land » et autre « Seventh Son of a Seventh Son ». Compo à tiroir bien sûr, mais structurellement parlant, un véritable modèle. Bruce Dickinson nous narre à sa façon, le poème de Coleridge de sa voix plaintive et inquiétante, pendant que les changements de rythme permettent de suivre l’avancée de l’histoire. Une chanson qui, avant d’être excellente, est surtout très prenante pour peu que l’on s’intéresse au texte et à la littérature anglaise. De quoi refermer de fort belle manière un album taillé dans l’or.
Powerslave est un succès total à bien des égards. Les capacités artistiques d’Iron Maiden sont poussées à leur maximum, qu'il s'agisse de la structure, de la technicité des musiciens ou de la mélodie proposée. Mais il n’est jamais excessif. Tout est effectué avec une précision diabolique. Au fond, il était important de consacrer un paragraphe au dessin de la pochette, celle-ci imageant très bien ce que l'on va entendre. Une musique monumentale, construite d’une main de maître par des compositeurs de talent, carrée et soignée. On a un peu tendance à oublier le milieu de l’album, phagocytés par les 4 classiques cités dans la chronique. Mais comme chaque élément d’un bâtiment, ils sont nécessaire à la bonne tenue du disque, et ont tout autant leur place aux côtés des pièces maîtresses.
Powerslave est immense, une sainte relique du Heavy Metal, et seul Iron Maiden est capable de produire cela. Je les en remercie.