«Protos» fait partie de ces albums dans lesquels j'aime me perdre tard la nuit. Ils me gardent éveillé et me permettent de rêvasser aussi bien que si j'étais englouti dans un lit. Le genre d'album que je peux écouter des heures durant tout en bidouillant deux-trois trucs à côté sans intérêt. Une manière comme une autre de se déconnecter mentalement du monde, de s'en éloigner sans l'être physiquement. N'était-ce pas là le pari de Savant comme en témoigne sa thématique affichée sur la pochette ?
Savant, ou Aleksander Vinter pour les intimes, n'en est pas à son premier coup d'éclat. A mesure qu'il produit ses projets musicaux farfelus, il fait montre d'une capacité "alien-isante" en matière de renouvellement, faisant de ses albums et Protos tout particulièrement, des nids à mélodies qui sont toutes amenées à s'envoler de leurs propres ailes. Les pistes de Protos n'ont pas besoin de se soutenir les unes et les autres. Elles s'élancent d'elles-mêmes et amènent, chacune à leur tour, un enchaînement de sons totalement nouveau, inventif et donc frais. Tantôt électrique, tantôt placide, Protos déploie efficacement ses jeux de rythme et, plus d'une fois, il s'avère être un tremplin à la nostalgie brûlante qu'ont laissé derrière leur passage certaines époques telles que les années 80 & 90.
Les adeptes de Savant, ceux qui le suivent depuis le début, pourraient craindre une invasion de "chants", mais Protos est un album suffisamment espacé pour contenir une variété de musiques. Pour exemple je tente de garder précieusement en tête les deux pistes que sont "Quest" et "Aquarius", multipliant les hommages au style 8-bits, aux aventures les plus folles vues sur nos écrans et autres escarpades vidéoludiques. D'autant plus que pour les "chants", pour en revenir à ça, ils ne se ressemblent jamais, ils ne dégagent pas la même énergie, ni la même personnalité, ni même parfois la langue, dans "Laser Sharks" notamment avec du japonais.
Plus agréable encore que ces mélanges délirants et parfois improbables, c'est ce sentiment de tranquillité qui scelle définitivement le destin de Protos. C'est un album qui prend son temps, cela ne veut pas dire qu'il ennuie son auditeur. Ce n'est pas un album long et fastidieux. C'est une traversée dans le temps pour laquelle on se laisse embarquer, le plus simplement du monde, mais qui peut nous glisser entre les doigts si on adhère qu'à moitié ou pas du tout à l'esprit de Protos.
Bon, je m'enflamme un peu. Bien que «Protos» fasse drôlement du bien à mes oreilles, il n'est pas sûr que cette facette très spéciale de l'electro-pop à la sauce spatiale ne parvient à convaincre tout le monde. L'ambition démesurée de Savant est à l'image de cette impression de "vertige" qui hante ce disque obscur.