Premier album de Dave, âgé de seulement 20 ans au moment de sa sortie, Psychodrama surprend l'ensemble des observateurs lorsqu'ils l'écoutent pour la première fois. Bien loin des tubes énergiques qui avaient sa réputation au cours des 3 années précédentes (on pense notamment à Thiago Silva, Funky Friday, 100ms, Samantha), l'album se révèle un condensé de pensées hyperpersonelles, imaginées sous la forme d'une séance de thérapie entre Dave et son psychologue.
Si l'on excepte le hit Location avec la star Burna Boy, Psychodrama est un album difficile d'accès. Malgré ses 11 titres, l'album s'étend sur plus de 50 minutes, avec des storytelling fleuves tels que Drama ou Lesley (plus de 11 minutes!). De plus, les productions sont loin d'être aussi rythmées que ce que le jeune rappeur avait pu proposer par le passé, se composant bien souvent d'une boucle de guitare, de piano ou d'une nappe de synthé qui va tourner en boucle avec l'ajout par ci par là de quelques éléments pour ne pas rendre le morceau monotone.
Cependant, cette aridité de la production a un but artistique: mettre en avant les paroles, coûte que coûte, de façon à ce que l'auditeur se plonge à 100% dans cette séance éprouvante de psychothérapie. Car du côté de la plume, Dave ne lésine devant aucune confession, et nous plonge entièrement dans ce qui devait être son état d'esprit au moment de la création du disque. On dit souvent que le premier album d'un artiste est le meilleur, car il y met toute sa vie dedans. Si le proverbe demande encore à être vérifié pour Dave (on attend le 2nd album avec impatience), il est clair que ce sont 20 ans d'évènement tragiques qui passent sur le billard. De l'absence de son père, la première incarcération de son frère aîné, la sentence de 18 ans de prison pour son frère présent lors de la tuerie de Victoria: tout y passe. Malgré ce vécu tout simplement ahurissant pour un jeune de 20 ans, il arrive tout de même à ne pas faire de l'album une complainte exclusivement centrée sur sa personne. Tout d'abord par Location, titre beaucoup plus léger aux influences afro-caribbéennes, placé en milieu d'album et qui nous donne une bouffée d'air frais par rapport à la tristesse du reste. Mais aussi, par le son Lesley, storytelling fleuve qui raconte l'histoire d'une fille de son quartier, trompée par son petit ami alors qu'elle est enceinte et quasiment mise dans le coma par ce dernier. Si l'on aurait pu frôler le pathos, cet écueil est évité par le ton toujours très distant de Dave, qui renforce à la fois l'impression que Dave s'éloigne toujours plus des siens, et en même temps qui démontre une grande conscience par rapport à ce que les jeunes de son âge habitant d'où il venait vivent.
Très intelligent dans sa construction, l'album part de ses souvenirs les plus récents: l'abandon de la fac, le regard des autres qui change (on pense notamment à Streatham avec son double sens iconique "I don't wanna do U-N-I, like I'm in Leicester skipping my lectures"). Puis, progressivement, il revient vers Streatham, vers ces souvenirs d'adolescence et ces déchirures qui ne disparaîtront jamais. Cette fille qui doit abandonner le lycée car enceinte (Lesley). Ce frère dont la vie est ruinée avant même de commencer le supérieur (Drama). Ces anciens potes qui l'admirent mais le détestent en même temps, car ils n'arriveront jamais en 30 ans de vie, là où lui est arrivé à 20 ans (Voices, Environment).
Auréolé d'un Brit Award du meilleur album, adulé par la critique tout en gardant un succès commercial certain, Psychodrama serait l'album de rêve pour la plupart des aspirants artistes. Et pourtant, on sent que Dave n'en est qu'au début d'une carrière qui pourrait faire de lui le meilleur rappeur anglais de la décennie, titre auquel il est prédestiné.