Les albums se suivent et Vincent Delerm reste égal à lui-même : son jeu de piano qui voit ses mains se balancer alternativement sur le clavier (à la manière de Julien Clerc mais en plus systématique), sa voix de vieux avant l'heure qui parle plus qu'il ne chante avec la pointe d'ironie idoine, ses textes vaguement sociétaux qui regardent la vie par le petit bout de la lorgnette (ici au hasard, les volleyeuses et Patrick Viera pour les fans de Stade 2 ou Martin Parr et François de Roubaix pour les plus cultivés...tout le monde est content). Vincent Delerm ou ce sentiment toujours persistant d'avoir en face de soi une finesse d'esprit et d'utiliser tout ce trésor d'intelligence à des visées seulement anecdotiques (un "tout ça pour ça" que l'on retrouve chez bon nombre d'artistes hexagonaux : cinéastes, plasticiens, musiciens). Delerm reste Delerm et pourtant, à l'instar de Miossec, le chanteur essaye à chaque fois - c'est-à-dire à chaque album - d'habiller ses chansons de manières différentes. De faire évoluer sa petite musique intérieure en somme. Mais - et cela pourrait apparaître faussement comme une force de caractère, face au style Delerm, toutes ses tentatives d'arrangements se révèlent presque transparentes. Sur Les piqûres d'araignée, Delerm avait travaillé avec Peter von Poehl, auteur d'un des meilleurs albums 2007, et celui-ci avait concocté un écrin classieux basé avec des cordes magnifiques. Et au final, qu'en restait-il ? Vincent Delerm, ses textes amusants et son piano. Basta ! Une personnalité qui joue les trous noirs face à toutes les manoeuvres de rendre un peu plus "musical" un univers. 15 chansons est son album le plus riche. Parfois en vain : on aimerait une version instrumentale de Tous les acteurs s’appellent Terence, on pourrait apprécier enfin la musique. Sur quelques titres, le travail se porte sur un piano bastringue associé ou non à des cuivres : on appréciera plus que de coutume ce nouveau traitement pour le petit côté fanfare entre fête de village et film sans paroles. On est parfois dans la musique d’interlude de l’ORTF. Partiellement anglophile, Delerm s'amuse aussi à parodier les Beatles sur Shea Stadium ou d’autres. Et au final, tout cela va bien à Vincent Delerm, un artiste pas sérieux pour deux sous et qui fait une musique de pacotille. C'est totalement anecdotique, gentiment décalé ou ironique mais cela a au moins le mérite de rendre fond et forme cohérents. En plus, les durées de chansons, entre 50 secondes et 2'30, accentuent encore ce côté « je passe comme un léger souffle sans laisser une impression durable ». C’est court et c’est très bien comme ça. Face à Bénabar c’est pas mal, face à Dominique A., c’est à pleurer. Comme d’habitude.