Il ne faut pas se voiler la face: je ne m'intéresserais pas autant à David Gilmour si je n'étais pas fan du groupe qui l'a fait connaitre. En achetant un de ses albums solo, j'ai toujours l'espoir un peu coupable de retrouver quelques réminiscences de Pink Floyd.
Les premiers contacts avec Rattle That Lock avaient pourtant de quoi refroidir mes ardeurs de fan historique: trop de mauvaises expériences me revenaient en mémoire à chaque écoute des quatre notes du jingle de la SNCF, parasitant l’appréciation de ce morceau assez sympathique au demeurant. Le deuxième single extrait de l’album, Today, ne m'a pas rassuré non plus, avec sa production datée me rappelant les pires heures de A Momentary Lapse of Reason (ou pire, About Face…).
Puis enfin la révélation le 17 septembre 2015, avec une bonne partie de ce nouvel album jouée en live dans un cadre mythique, le théâtre antique d’Orange. Un David Gilmour fidèle à lui même, capable de sortir de sa Black Strat des notes qui prennent aux tripes et donnent des frissons, propulsant ces deux morceaux dans une toute autre dimension. Le tout avec une voix qui, si elle a bien sûr vieilli et changé, n’en reste pas moins juste et touchante. Une belle preuve s’il en est qu’il ne faut pas s’arrêter à une première impression négative.
Relativement accessible, l'album est ponctué par plusieurs perles et fulgurances qui nous rappellent (pour les deux du fond qui en doutaient peut être) que Gilmour est toujours un des plus grands guitaristes du monde: Faces of Stone, Dancing Right in Front of Me et surtout In Any Tongue sont des morceaux de choix qui sortent clairement du lot, impression confirmée en live avec plusieurs solos (soli?) bien plus développés et intéressants que sur le CD.
Je retiens également Beauty, un instrumental qui aurait eu toute sa place en introduction d’un album de Pink Floyd, ainsi que 5 A.M. et And Then qui ouvrent et ferment l’album sur des notes de guitare qui ne vous quitteront plus de la journée. J’en oublierais presque A Boat Lies Waiting, un titre chargé d'émotions, lui aussi sublimé lors de son interprétation en live…
Comme la perfection n'existe pas, je ne peux m’empêcher de penser que l’album apparait assez inégal et parfois mal équilibré. Je m’étonne ainsi de l’absence de vrai fil conducteur ou de lien entre les différents morceaux. Quand on a été habitué pendant des années à des transitions travaillées et subtiles, cela surprend quelque peu. De nombreuses écoutes n'ont pas réussi à me débarrasser de cet étrange sentiment de manque de cohésion, particulièrement avec des morceaux comme The Girl In The Yellow Dress et Today qui ne paraissent pas à leur place.
On peut cependant difficilement reprocher à Gilmour d'avoir voulu tenter des choses différentes, et de montrer qu’il était capable de produire des morceaux variés, à la fois rock et planants, pop, blues et jazz... L'inverse de On An Island qui pouvait souffrir d'une certaine monotonie.
Quoi qu'il en soit, merci M. Gilmour de continuer après toutes ces années à nous toucher avec votre voix et votre jeu de guitare uniques...