Après avoir marqué les esprits avec un premier album resplendissant...le groupe originaire d'Athens (Géorgie) ne perd pas de temps et sort son second album un an après, et quel album! Bien qu'il puisse souffrir de la comparaison avec son aîné (un peu moins "mystérieux", un ensemble plus disparate, des mélodies parfois moins évidentes), il n'en demeure pas moins un grand cru de R.E.M.
L'album précédent (Murmur) baignait dans une brume permanente avec des mélodies célestes et addictives, ici la brume se dissipe légèrement mais le groupe offre encore tout de même des chansons de choix, à commencer par cet "Harborcoat" qui ouvre le bal. "Harborcoat" est un chef d'oeuvre et une de mes chansons préférées du groupe : rapide, incisif, sans fioritures, impeccablement exécuté et d'une pertinence incroyable mélodiquement...cette urgence post-punk sur les couplets est admirablement secondée par des refrains planants et aériens où les chœurs de Stipe entrent en résonance avec ceux de Mills pour un résultat sublime. "7 chinese bros" prend le relais sur un rythme plus lent (mais soutenu) et offre encore une fois de belles envolées de Stipe sur les refrains, une pépite atmosphérique et nimbée d'une aura particulière dont seul le groupe a le secret. "So central train" et "'(Don't go back) to rockville" seront les morceaux les plus "tubesques" de l'album (à cette époque le mot tube ou single n'a pas encore de signification pour le groupe malgré la qualité ahurissante des disques) : composés dans une veine folk/rock immédiatement reconnaissable et typique du groupe, ils brillent essentiellement par des refrains immédiatement entêtants.
Le reste du disque alterne morceaux énergiques et mélodiques tels que le romantique (et ambiguë) "Pretty persusasion" ou encore l'endiablé "Second guessing", et ballades mystiques et langoureuses tels que ce "Time after time" d'une beauté effroyable qui semble précisément échapper à toute temporalité. Le léger bémol du disque (s'il faut à tout prix en chercher un) vient sans doute de très rares morceaux un peu plus oubliables (même après plusieurs écoutes) comme ce "Caméra" qui vient un peu casser le rythme (soutenu) du disque jusqu'à présent en proposant une longue complainte nocturne et torturée qui paraît un peu longuette en comparaison du reste.
Finalement, "Reckoning" est à l'arrivée un disque un chouia en dessous de "Murmur" en terme d'intensité musicale mais demeure tout de même un grand disque de R.E.M. qui s'écoute encore aujourd'hui avec plaisir, une valeur sûre dans leur immense discographie dont la qualité est quasi-irréprochable.