⚠️ Une maintenance est prévue ce Mercredi 4 décembre de 9h00 à 13h. Le site sera inacessible pendant cette période.

Relapse
5.5
Relapse

Album de Ministry (2012)

Al Jourgensen (Ministry) et Madonna auront cinquante quatre ans cette année et ils sortent leur nouveau disque le même jour. Ce ne sont pas leurs seuls points communs : il y a chez eux ce même refus d’abdiquer, de laisser la place à la jeune garde qui se bouscule derrière. Quand on a connu le succès comme eux, c’est un sentiment que l’on peut aisément comprendre. Mais en l’occurrence, à écouter Relapse et MDNA, il semble plus efficace, pour rester dans la course, d’officier dans le registre de la brutalité (Ministry) que des apparences (Madonna).

La première chose qui marque dans ces come-back de quinquagénaires (les derniers albums des deux artistes datent d’il y a au moins quatre ans) c’est l’approche de la production. Un son actuel, c’est évidemment la condition sine qua non pour rester dans le coup face aux Rihanna et autre Rammstein qui ont repris les flambeaux respectifs. Ministry a choisi de repousser les limites d’un sillon qu’il a lui-même creusé, celui du métal industriel : les chansons sont jouées à un tempo infernal, sans pause, et les volumes sont poussés à fond les ballons. La compression du son, synonyme de puissance, c’est dans l’air du temps. De son côté, Madonna s’est acoquinée avec des parangons de la dance music qui cartonnent dans les charts : LMFAO, M.I.A., Benny Bennassi, Martin Solveig et on en passe. La différence c’est qu’à force de se diluer dans les collaborations voyantes, pleines de tics (filtres* utilisés à outrance, autotune**) la personnalité de Madonna en devient diluée, tandis qu’Al Jourgensen et sa bande, en restant dans le créneau qu’ils maîtrisent depuis des années, réaffirment la leur.

MDNA ressemble finalement beaucoup plus à un album de collaborations avec Madonna qu’à un album DE Madonna. Comme si celle-ci avait simplement eu à poser sa voix sur les compositions de ses amis sans s’impliquer davantage artistiquement. En fait, pour la quasi totalité des titres il ne se pose pas tant un problème de qualité que d’identité. C’est d’autant plus gênant que, des rares titres qui se détachent de l’étiquetage pur et simple des tubes calibrés du moment, il y a peu à se mettre sous la dent. Cela frôle même le ridicule quand l’une des invitées de l’album, Nicki Minaj, chante « there’s only one queen and that’s Madonna »… Une manière de dire : je t’apporte ma caution jeunesse, je te reconnais comme l’une de mes influences principales. Bref, Madonna ne se montre réellement séduisante que quand la musique qui l’accompagne semble un peu datée et rappelle ostensiblement ses débuts (« Give me all your Luvin’» n’a clairement pas été choisi comme premier single par hasard), ou quand elle détourne les codes des tubes d’aujourd’hui (le bizarrement lo-fi «Superstar»). Difficile de garder le monopole dans un genre aussi périssable que celui de la dance !

Ministry, en restant attaché à ses racines, dans la continuité d’un rock frontal et décapant, ne surprend personne c’est certain. Même s’il faut noter le retour par petites touches bien senties au son des débuts, nappes de synthés, guitares gavées de chorus et chœurs presque pop sur « Bloodlust », « 99 Percenters » et « Kleptocracy ». Mais de toute façon, l’urgence des chansons et leur puissance sonique se suffisent à eux-mêmes. Chaque titre semble construit pour envoyer un uppercut, qu’il s’agisse de la décharge électrique en guise d’ouragan sur « Ghouldiggers » ou du riff barbare de « Double Tap » en passant par la frénésie rythmique de « United Forces ». On le sait, Al Jourgensen est un homme qui fonctionne depuis trente ans sur la colère. Sa carrière s’est construite sur une orientation, tant musicale que textuelle, de plus en plus violente (ses trois derniers disques étaient par exemple motivés par son dégoût du régime de George W. Bush Jr) et cela lui a jusqu’à présent toujours réussi.

C’est d’ailleurs ce refus de baisser le ton qui fait que son âge n’a jamais été une question ; à vrai dire on l’imagine très bien dans la même furie quand il aura quatre-vingts ans ! À ceci près qu’il sera désormais difficile de faire plus radical que Relapse. Peut-être le groupe a-t-il atteint ici ses limites ? L’avenir le dira. Madonna, elle, a voulu se fondre dans un moule dont elle a dessiné les contours (pop synthétique sexy) il y a trente ans mais qui la dépasse aujourd’hui. Elle n’est pas parvenue à domestiquer les nouvelles mouvances pour se les réapproprier. Sa musique est finalement à l’image de son corps : elle tente de lui donner un perpétuel coup de jeune mais on le sait, maquillage et lifting ne trompent que de loin. Il n’y a pas à dire : dans cette opposition de styles à la démarche similaire, la colère est définitivement plus porteuse que les apparences un peu racoleuses.

*un filtre de fréquence vise à passer progressivement d’une fréquence aiguë à une fréquence grave (et vice versa) dans le but de donner de l’ampleur au son, qu’il s’agisse de claviers ou de beats.

**l’autotune est un effet qui traite la voix. Dans des paramètres minimes il permet d’ajuster simplement la tonalité, dans des paramètres extrêmes il donne un côté artificiel à la voix.


Francois-Corda
7
Écrit par

Créée

le 12 juin 2024

Critique lue 2 fois

François Lam

Écrit par

Critique lue 2 fois

Du même critique

Traum und Existenz
Francois-Corda
7

Critique de Traum und Existenz par François Lam

Surprenante cette association entre Rebeka Warrior et Vitalic ? Pas franchement, et à bien des égards. D’abord, Rebeka Warrior est une familière du monde de la techno avec Sexy Sushi depuis des...

le 10 mai 2019

7 j'aime

Civil War
Francois-Corda
5

Critique de Civil War par François Lam

En interview dans le numéro d’avril de Mad Movies, Alex Garland se réclame d’un cinéma adulte qui ne donnerait pas toutes les clés de compréhension aux spectateurs, à l’instar du récent Anatomie...

le 21 avr. 2024

5 j'aime

The Telemarketers
Francois-Corda
8

My name is Patrick J. Pespas

Les frères Safdie, producteurs de The Telemarketers, ont trouvé dans Patrick J. Pespas l'alter ego parfait de leurs personnages aussi décalés qu'attachants créés dans leurs longs métrages de fiction...

le 3 nov. 2023

4 j'aime