La dynastie Gainsbourg-Birkin, c'est d'abord une famille débordante de talents, que ce soit le talent musical, cinématographique et même photographique. D'abord le père, Serge, dont l'ombre plane sur l'album, ne serait-ce pas que par son nom, ensuite la mère, Jane, à la voie chétive, fragile et à l'accent si charmant, ensuite Lou, la demi-soeur de Charlotte et fille de réalisateur (Jacques Doillon) dont la carrière musicale et cinématographique explose ces dernières années, ou même Lucien, encore jeune mais très talentueux. Cette famille a la classe, une renommée bien au-delà de la France et sur la musique, une aura considérable.
Charlotte n'échappe à la règle. Son dernier album transpire de talent. Le précédent déjà montrait de jolies qualités avec la collaboration du groupe AIR. Ici, elle incarne le syncrétisme parfait de son père et de sa mère avec une modernité électro en plus. Les textes sont parfois sombres ou absconts, la voix, haut perchée et sembable à celle de sa mère. Et l'album ressasse aussi les thématiques de la famille, que ce soit la chanson Kate qui évoque le triste sort de sa demi-soeur, disparue tragiquement il y a quelques années, que ce soit Ring a Ring O' Roses, chanson qui retrace en français et en anglais -symbole aussi de la synthèse qu'opère Charlotte Gainsbourg - la vie d'une femme ou encore les Oxalis, tellement Gainsbourg, où l'on peut entendre sa fille chanter et qui se drappe, peu à peu d'une superbe instrumentalisation, hommage pudique d'une mère à son enfant. Sans oublier le père dans Lying with you, chanson crue sur la mort de Serge. L'intime et la famille sont au coeur de l'album. Charlotte, qui avait refusé le français auparavant s'y adonne ici et y distille sa personnalité, elle rompt avec la timidité et se lance dans les traces de pas de ses géants de parents : les clips mettent en scène parfois ses enfants et elle a elle-même réalisé Rest, sur les conseils du maitre Lars Von Triers, avec lequel elle a beaucoup joué. C'est dire si Charlotte Gainsbourg a fait à la fois la synthèse du talent familial mais aussi son deuil puisqu'elle exorcise dans cet album ce qu'elle avait en héritage, s'emparant désormais de tous les compartiments artistiques de l'album, entourée par des musiciens de bon goût.
La musique justement, à la fois bercée par la voix douce de Charlotte Gainsbourg, qui n'hésite pas à voicoder sa voix sur certains titres ou même à parler à voix basse ou chuchotée comme son père sur d'autres titres, et en même temps une musique assez dure, métallique, parfois rock et éléctro. Il en résulte un mélange délicat et recherché. Signes de ce syncrétisme, un titre signé des Daft Punk (Rest) et un autre de Paul McCartney (Songbird in a Cage, pas excellent) . Ces deux noms, associés à l'album, prouvent l'éclectisme et le bon goût de Charlotte Gainsbourg, sans parler de Sebastian, le musicien et DJ qui infuse tout au long de l'album un son électro, donnant une énergie au tout. L'album fonctionne souvent avec des couplets en français, souvent sombres et durs, et des refrains en anglais bien plus dansant et aériens. De la même manière il fonctionne avec des boucles musicales, presque des samples, parfois d'inspiration gainsbourienne, notamment avec le piano (Kate, I'm a lie, Les oxalis sont dans la rythmique et le son assez proches de Gainsbourg). Ring a Ring O' Roses, morceau introductif, demeure cependant le morceau le plus enivrant et mémorable de l'album.
Elégant, classe, de bon goût ; c'est finalement cela le style de Charlotte Gainsbourg. Enregistré à New-York, signé par de grands noms de la pop, produit à merveille, avec des textes ciselés. En terme de style, c'est de l'électro, de la pop, du Gainsbourg, de la trip pop, à mi chemin entre Moby, Air ou Beck. De jolies inspirations.
Mais on ne peut s'empêcher d'y voir Serge. Il continue d'hanter sa fille de ses ailes de poète. Au nom du père. Hey man amen.