Il arrive parfois qu'un musicien ait un sursaut. Qu'il ait envie de revisiter son oeuvre un peu laissée de côté à un moment donné parce que l'artiste a voulu explorer d'autres univers au gré de ses humeurs, perdant de fait pas mal d'admirateurs pendant ses transformations.
On ne jugera pas ici l'un et les autres, on peut tout à fait admirer un artiste et dénier le tournant qu'il donne à son oeuvre pour plusieurs raisons artistiques et personnelles, comme on peut le suivre jusqu'au bout et reconnaître des variations à l'intérieur même de toute une carrière. On peut aussi le perdre de vue et renouer à la faveur d'un ou plusieurs disques.
Personnellement, à un moment donné, j'ai eu du mal à suivre l'artiste qu'était Mike Oldfield. Trop engoncé dans les années 80, je l'ai vu prendre des virages plus faciles, moins intéressants. Mais comme un vieil ami perdu de vu, on se tenait au courant. J'essayais donc de m'informer de temps en temps sur ce que devenait ce bon vieux Mike VieuxChamps.
Et "Return to Ommadawn" m'a interloqué d'emblée. Une pochette un brin mystérieuse (bon, il a fait mieux), l'évocation d'Ommadawn qui semblait comme une promesse évidente de revenir sur des terres auparavant parcourues dans les années 70, deux parties musicales comme sur les deux faces d'un vinyle comme par le passé, un listing de la vingtaine d'instruments que Mike joue (pas en même temps tous non plus si ça peut rassurer)... comme par le passé.
Cela sentait l'album passéïste et nostalgique et en fait... non, pas tout à fait.
La seule nostalgie que l'artiste se permet serait d'inclure des chants d'enfants de la petite comptine "On horseback" qui figurait à la fin d'Ommadawn, citation littérale pour le coup même si elle dure peu heureusement et fait plus sourire qu'autre chose. Pour le reste, nous sommes plus dans une revisitation des structures musicales qui ont bâti le disque Ommadawn mais d'une manière moins dramatique et tragique, plus apaisée et sereine.
J'avoue que du fait que je n'en attendais rien, j'ai été donc assez surpris. Et en bien.
Il est clair que l'on est loin du lyrisme du bonhomme si on veut à tout prix chercher les comparaisons avec l'original. Ici, tout est serein, calme, maîtrisé, apaisé. Foin de tension, tout s'écoute agréablement (trop peut-être ?). Là où dans le disque de 1975, la première piste allait par exemple crescendo dans une sorte de fusion folle de world music avec folk-rock et celtique (dans ce que l'on a hâtivement appelé "new âge" faute de cases où le ranger) avec des percussions tribales dantesques donnant une sorte de tension cinématographique, ici les percus semblent accolées comme sorties d'une boîte à rythme.
Entraînante mais sans en faire trop donc. Le propos est ailleurs, effectivement dans la relecture d'une oeuvre qui, oui, en effet, surprend et émerveille d'un petit quelque chose de plus ou de nouveau à chaque écoute. Là où la seconde piste du Ommadawn 1975 m'intriguait sans m'emporter autant que la première, ici c'est donc l'inverse, la part 2 de ce Return to Ommadawn semble saisir une émotion que n'a pas la première. Comme si Mike semblait faire grandir son oeuvre au fur et à mesure qu'il jouait, créant une musique en continu et non plus en deux parties séparées qui ont chacune leur identité.
Un beau disque. Un bon disque aussi, mine de rien. On en attendait plus trop du bonhomme donc ça fait plaisir. C'est beau, doux, mineur mais diablement attachant et agréable. Et à chaque fois, ce return a le mérite de donner envie de se replonger dans son imposante discographie qui cache de belles merveilles souvent un peu oubliées.... Pari réussi en somme puisque le disque peut se targuer d'être une porte ouverte pour les curieux comme les anciens fans qui voudraient se replonger dans les terres Oldfiennes...