L’Éternel sourire du cosmos vacant

Dans le vide des cieux, le regard brumeux de l'homme s'élance désespérément. Le supplicié tente de capturer, dans les tourments stellaires, une lueur de cet espoir immortel qui rend l'existence possible. Mais seule l'obscurité des astres répond à son cœur fragile. Dans la vacuité du cosmos, la folie n'a plus de nom; Dans la vacuité des mondes s'effacent les peurs et les passions.


Énigmatique formation de black que Det Eviga Leendet. Son nom emprunte à une nouvelle de l'auteur nobelisé Pär Lagerkvist, dont les questionnements existentiels résonnent profondément dans la pâle complainte du combo suédois. Ces excavateurs de l'éternité touchent à ce que le metal possède de plus puissant, de plus intensément rédempteur. Hantée par d'immenses élucubrations atmosphériques, la musique de Det Eviga Leendet résonne comme le cri d'effroi de l'homme asservi. Asservi par une humanité rongée d'égoïsmes et d'exploits barbares, asservi par sa condition de mortel qui le terrorise au plus profond de l'âme, le poussant à crier sa sombre angoisse face au ciel muet.


Le son de Reverence est tellement évocateur qu'il nous terrasse momentanément, nous laisse ensuite dans la fièvre nauséeuse et irrémédiable de la perte. Cependant, le délitement sombre qu'accompagne l'album est porté par une grâce métaphysique que l'on rencontre souvent dans les formations de black metal scandinaves, et qui se trouve ici portée à son apogée. Le label Mystískaos a coutume d'enfanter de monstrueuses entités orphelines, et Det Eviga Leendet est bien un fils du chaos mystique.


Pas de place au souffle serein dans cette déferlante de hargne tragique qui, à l'instar de sa pochette au patchwork psychédélique (signée Johan G Winther), porte en son sein une musique en pur état second. Les trilles aériennes de guitares, les blasts ritualisés et le chant lacéré de Jacob Buczarski (vocaliste de Mare Cognitum) emportent tout sur leur passage, dans un ouragan de mélancolie nihiliste.


Proche de la scène blackgaze, mais sans en partager son émotivité naïve, Reverence est un manifeste cinglant de la triste solitude de l'homme trahi par l'homme, de la conscience phagocytée par les aberrations de sociétés qui tomberont bientôt dans le néant, absorbées par l'immensité de l'univers. Cet "éternel sourire" (traduction du nom du groupe), c'est peut être celui de la mort qui finalement accompli toute chose, les songes comme les cauchemars les plus tenaces. La mort, cette éternelle absence, cette compagne de toute vie.


Det Eviga Leendet tisse en 6 hymnes célestes des torrents de sentiments parfaitement synchrones dont l'intensité va crescendo jusqu'au morceau-fleuve de fin Yield, qui concentre à lui seul assez de feux pour assécher des océans de joie. Mais cette tranquillité bafouée transparaît pourtant d'un bout à l'autre de l'album. Au delà des ténèbres et du vide, la sérénité détachée effleure constamment, comme la face cachée et laiteuse d'une sordide difformité cosmique. A l'image de la vacuité, ce vide-plein des sagesses d'orient, la révérence face au néant de nos vies fait figure de salvation, et Det Eviga Leendet en est, un temps, l'éphémère et vibrant messager.

FlorianSanfilippo
9

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le 20 févr. 2022

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