Juin 2011. Les fameuses deux années d’attente entre un album de The Black Dahlia Murder et son suivant étaient enfin passées et le successeur du plutôt anodin Deflorate fait son apparition. Déjà le cinquième album, déjà dix ans que le groupe existe et que nous offre-t-il pour ce glorieux anniversaire ? Une nouvelle tuerie, surprenante, maitrisée, quasi-parfaite. Un retour en trombe pour les barbus du Michigan. Intitulé Ritual, ce nouvel effort nous fait clairement oublier la semi-déception du précédent, qui hélas tournait en rond musicalement, apportant désormais une nouvelle touche inédite au style du groupe.
Extrêmement sombre, oubliant beaucoup leurs influences mélo scandinaves pour une plus grande influence death, la galette se démarque clairement de ses prédécesseurs et nous entraine dans un nouvel univers à la fois brutal et glauquissime, dans un rituel satanique tout en auto-dérision (une habitude chez ces décérébrés). La pochette signée par notre Valnoir Mortasonge national (le dernier single "Nevermore" de Morbid Angel ainsi que la fameuse affiche confectionnée avec du sang humain de Watain) nous met déjà dans le bain : verte, représentant ledit rituel, avec son gourou, ses fidèles et ses morts-vivants, le tout dans une symétrie magnifique. On est loin des détails graphiques concoctés par Kristian Wåhlin ou encore Tony Koehl mais l’accroche visuelle est immédiate. Place à la musique désormais.
Surprise : là où Deflorate stagnait, dévoilant une nette panne d’inspiration pour le groupe, ne resservant que des riffs déjà abordés et une ambiance inexistante, Ritual revient à ce qui faisait le succès de Nocturnal : une identité. Plus encore, ce cinquième opus est un véritable concept-album narrant une histoire se suivant de piste en piste, chose que l’on perçoit finalement musicalement. Les influences sont donc, comme cité plus haut, nettement plus orientées vers le death metal pur et dur, délaissant quelque peu leurs jauges d’At the Gates et du Göteborg metal pour une nouvelle brutalité, plus maitrisée et plus fluide, faisant ancrer la formation américaine dans un genre moins stéréotypé. Ritual, l’album du renouveau pour The Black Dahlia Murder ? Assurément !
Dès le début avec "A Shrine to Madness", nous sommes plongés dans le bain : une mini-intro symphonique, juste quelques secondes, histoire de ne pas rentrer directement dans la tourmente infernale que nous ont modelés les Américains. S’en suit donc naturellement un morceau fait d’allers-retours mélodique, de saccades syncopées dévastatrices et de picking agrémentés de ces vociférations diaboliques balancées par un Trevor Strnad désenchanté. Bien qu’étant en terrain connu, cette nouvelle ambiance se concrétise définitivement avec le titre suivant, bien connu des internautes, le désormais célèbre "Moonlight Equilibrium" : un couplet diabolique, un refrain autrement épique, un solo heavy… Cette fois-ci c’est du tout bon : bienvenue dans la tourmente !
Le reste de la galette est donc du même gabarit, bien construit, limpide, aux riffs entrainants, aux solos mémorables (chose qui, à mon humble avis, manquait à Deflorate), au rythme non pas effréné mais bel et bien soutenu tout en conservant cette monstrueuse sauvagerie qui sied si bien au groupe. Le death metal est là (on pense à Morbid Angel ou encore Decapitated parfois), bien imprégné dans de fabuleux morceaux comme "On Stirring Seas of Salted Blood", "Conspiring with the Damned" et surtout le génialissime "Malenchanments of the Necrosphere", véritable-titre central de l’album. De plus, outre cette influence autrement appuyée, nous découvrons chez les TBDM une touche black metal (voire death/black) bien prononcée sur de nombreux riffs, des lâchés effrayants et sur un changement de ton radical, ajoutant par conséquent une atmosphère pesante régnant totalement sur l’album.
Cela se ressent immédiatement sur l’excellent "Carbonized in Cruciform" ou encore sur le titre final "Blood in the Ink", le grand Jason Suecof leur rajoutant quelques symphonies naturelles histoire de pousser dans ses plus lointains retranchements ce côté satanique. Les solos sont également moins « blackdahliamurdiens », plus épiques, le dernier arrivé Ryan Knight étant beaucoup plus à l’aise et ayant cette fois-ci grandement participé à la composition. Pareillement pour Bart Williams, bassiste autrefois plutôt mis en retrait et ici bien plus présent (notamment au début de l’interlude "Den of the Picquerist"). Unique petit regret, le morceau "The Raven", quelque peu décevant avec ce retour à un death mélo suédois que l’on pourrait presque qualifier de plagiat sur Arch Enemy tant la ressemblance est frappante.
Ceci dit, ce cinquième album est d’une puissance et d’une structure déconcertantes, ces 45 minutes se dégustant avec un appétit gargantuesque, la formation usant de ressources inexploitées jusqu’alors. Au final, avec Ritual, le groupe réussit à de nouveau nous surprendre et à définitivement évoluer, ce que l’on pourrait qualifier de Nocturnal 2 dans sa forme allant bien plus loin, repoussant des limites que l’on croyait atteintes pour The Black Dahlia Murder. Sans changer clairement de style, la formation nous entraine dans leur univers bien à part, ajoutant ce qu’il faut de nouveauté pour être autant dépaysé que pleinement conquis. Une énième consécration pour un album inlassable.