Quantité. Pas qualité... encore

Hmm...

Cinq cédés pour documenter la période de gestation de The Rise and Fall of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars et ses premières suites. Ça paraît fabuleux sur le papier, et alléchant dit comme ça. Mais en fait, on déchante vite. Désolé.

Le CD1 n'a d'intérêt que pour les inconditionnels. C'est le passage obligé du "cédé documentaire" propre à ce type de produit. Il s'agit des demos des chansons qui ont fini sur Ziggy Stardust. Donc pas de mélodies inédites ici. Que des morceaux connus joués différemment ; et forcément moins bien, puisqu'il s'agit de maquettes, de chansons en devenir. Ça a certes son charme, mais limité tout de même, surtout vue la qualité sonore parfois. Dans la catégorie "réchauffé", on retrouve ainsi les demos de "Lady Stardust", "Ziggy Stardust" et les versions Arnold Corns de "Moonage Daydream" et "Hang onto Yourself" parues en 1990 et rééditées ensuite. On a cependant droit à l'officialisation de "Looking for a Friend" par Arnold Corns. Mais il manque toujours "Man in the Middle".

CD2 & 3 : Les sessions à la BBC qu'on a déjà depuis 24 ans. Les quelques morceaux ajoutés qui n'avaient pas été publiés à l'époque (il y avait une raison), sont joués à l'identique quelques jours avant ou après, ou alors le son est mauvais ; ou les deux. Sans intérêt donc si on a déjà Bowie at the Beeb. Et vu que cette grosse boîte s'adresse avant tout à l'inconditionnel plutôt qu'au néophyte, il l'a déjà.

Sur la seconde partie du CD4, on a cinq extraits du concert du 1 octobre 1972 à Boston. Encore une fois, si on a déjà le Live at Santa Monica '72, ça n'apporte rien. La première partie du même cédé est consacrée aux faces B de 45T ("Round and Round", "Holy Holy", "Velvet Goldmine") et les versions single de "Starman" et de "John, I'm Only Dancing". Tout un tas de choses qu'on a là aussi depuis très longtemps, et régulièrement rééditées. Seule retrouvaille appréciable : la meilleure version de "The Supermen", réenregistrée durant les sessions de Ziggy Stardust (à l'origine elle concluait The Man who Sold the World) puis sortie finalement en avril 1972 sur le triple-album publié pour éponger les dettes du festival de Glastonbury. Elle avait été ajoutée en bonus sur la réédition de Hunky Dory en 1990, mais avait disparu depuis.

Mais de cette grosse boîte rutilante, on attendait surtout le CD5.

D'une manière générale, les mixes récents sont assez malheureux : "The Supermen" mix 2023, "Round and Round" et "Holy Holy" alternate mix (cela dit, rien ne peut sauver cette chanson-là) avec un écho abominable, ou encore "Velvet Goldmine" mix 2022, honteusement massacrée.

La plus grande déception vient de "Shadow Man", déjà enregistrée quelques semaines auparavant en 1971, entre la fin des sessions de Hunky Dory et le début de celles de Ziggy Stardust. Cette chanson - curieusement estampillée "demo" sur Divine Symmetry était une très grande réussite. On se demande d'ailleurs jusqu'à quel point les gars du studio, ou des archives, ne se sont pas trompés en identifiant les bandes tellement celle de Divine Symmetry est achevée alors que celle de Rock 'n' Roll Star ! avec sa simple guitare acoustique et la façon mal assurée de chanter de Bowie sonne clairement comme une demo. Elle est lente, il y manque le lyrisme de la version "précédente" (?) qui a disparu au profit d'un maniérisme assez pénible, que Bowie reprendra d'ailleurs pour Toy en 2000. Et puis, il y a un écho affreux, digne de Phil Spector. S'il s'agit effectivement d'une version achevée, c'est de la bouillie et on comprend donc qu'il ne l'ait pas gardée pour Ziggy Stardust. Mais au lieu de "It Ain't Easy", il aurait pu récupérer la version Divine Symmetry de "Shadow Man" pour en clore la première face.

En revanche, on trouve enfin ici la version Ziggy de "Looking for a Friend", un brin speed, et un autre mix de "Sweet Head" (disparue aussi des rééditions Bowie depuis sa seule apparition en bonus de Ziggy Stardust en 1990). On découvre aussi et surtout un genre de mini-Graal, un inédit jamais entendu auparavant dont on avait également appris l'existence en 1990 : "It's Gonna Rain Again". C'est un morceau à la Bo Diddley, ou Buddy Holly. Certes pas un chef-d’œuvre, mais fort sympathique. C'est d'ailleurs le seul réel inédit de ce coffret. Autre belle découverte : une reprise d''I Can't Explain" enregistrée en septembre 1972 durant les sessions de "John, I'm Only Dancing" et que Bowie réenregistrera un an après (plus lente) pour Pin ups. Cette première version est plus fidèle à l'originale des Who... et aussi plus réussie.

Bilan plutôt mitigé donc. Il n'y avait pas grand chose à proposer (encore que ! Il manque toujours "Only One Paper Left" ou "Blackhole Kids" et "Man in the Middle") alors ils ont chargé la mule avec des choses de moindre intérêt. On aurait aussi pu nous proposer la version hybride de "All the Young Dudes" avec Mott The Hoople - voir lien ci-dessous.

En fait, il aurait été préférable de réunir les vrais inédits et laissés pour compte de Hunky Dory et Ziggy Stardust pour nous faire un bel album unique, digne de ces deux-là.

Alors, comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, voici donc Shadowman ; un bijou de 33T qui aurait pu sortir tel quel en octobre 1972 : https://www.deezer.com/en/playlist/12560006583