Rubycon
7.5
Rubycon

Album de Tangerine Dream (1975)

Rubycon est le deuxième album signé Tangerine Dream sous contrat avec Virgin, le quatrième de la collaboration Froese/Baumann/Franke. Phaedra avait permis au trio de se faire connaître en Grande-Bretagne pour autre chose que son krautrock des débuts. Bien décidé à poursuivre l’œuvre improvisée entamée en 1974, le trio se munit à nouveau de son séquenceur et entreprend l’enregistrement de Rubycon, paru l’année suivante, en 1975. S’attacher à décrire une œuvre comme Rubycon passe par l’acceptation de la toute puissance de la subjectivité. Comme le prétendait Klaus Schulze, ancien partenaire d’Edgar Froese, « l’auditeur que tout musicien essaie de sensibiliser n’a pas à être capable d’analyser la musique. Mais si la musique parvient à le sensibiliser, alors il devient une partie de la musique elle-même ». Ainsi, la perception d’un ouvrage tel que celui-ci, c’est-à-dire difficile à appréhender pour le néophyte, voire même l’initié, joue autant, si ce n’est plus que l’ouvrage en lui-même. Difficile dès lors de transmettre un avis critique à propos de sa propre perception de l’œuvre. Cela revient à se juger soi-même. Mais soit.

A l’écoute de Rubycon, l’on perçoit la création d’un univers plus étendu, lumineux, aquatique et plus construit que ce qu’avait l’habitude de faire Tangerine Dream dans ses années Ohr. Auparavant abstrait, sombre et complaisant, le trio gagne en expressivité et réussit enfin à faire passer les émotions voulues. Ce changement de direction, témoin d’une maturité grandissante, est principalement lié à l’approfondissement progressif de la connaissance du trio envers ses instruments. Le VCS-3 n’est plus une nouveauté pour les trois ingénieurs du son, le séquenceur non plus. De cette approche plus technique des instruments découle un réel savoir-faire dans l’élaboration des ambiances et sonorités les plus imagées. Ainsi, la première partie débute par la mise en place d’une atmosphère que l’on croirait aisément tirée du plus profond des océans. Par la suite, quelques cris de mouettes font sortir l’auditeur des abysses aquatiques pour l’approcher plus près du ciel. Rubycon joue sans cesse sur cette dualité entre eau et air, entre ombre et lumière, entre rapidité rythmique (passages séquencés) et arythmie (passages nappés). Attention cependant : ici, contrairement à Phaedra, les passages atmosphériques et les rythmes entrent dans un contexte logique de dominant/dominé. Les deux s’affrontent, cèdent, puis attaquent de plus belle.

Rubycon est, à ce titre, le premier album véritablement réussi de Tangerine Dream dans le style séquencé qui fit par la suite son succès. Il est, non pas encore satisfaisant en consistance, mais bien assez en ambiances, appuyées par une technique de plus en plus aboutie de la part de chacun des membres. Pour la première fois, l’ouvrage n’est pas complaisant, il ne se gargarise pas d’une complexité intellectuelle snobinarde. Pour la première fois, Tangerine Dream fait de la musique.
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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