Bande originale culte, Saturday Night Fever est avant tout un réservoir à tubes et une sorte de manifeste de la culture disco. Le mouvement en lui-même ne m’ayant jamais vraiment intéressé et les chansons extraites de l’album n’ayant jamais représenté pour moi autre chose qu’un fond sonore récurrent des stations radio, plutôt agréable mais d’un goût tout de même discutable, écouter cette œuvre était l’occasion de me plonger de façon plus sérieuse dans un univers disparu, un monde au romantisme kitsch qui ne considérait la musique que comme un catalyseur pour la danse.
L’album démarre donc par quatre chansons des Bee Gees, toutes plus efficaces les unes que les autres : aux rythmes disco entraînants de « Night Fever » et « Stayin’ Alive » répondent les slows langoureux « How Deep Is Your Love » et « More Than A Woman ». Les quatre morceaux sont un brin ridicules (cf. par exemple la voix de fausset de Barry Gibb), mais on peut difficilement les qualifier de nuls. En effet, même si le reste de l’album est du même acabit – il y a bien sûr quelques titres qui se démarquent (« If I Can’t Have You », sublimé par la voix séduisante d’Yvonne Elliman, l’aventureux « Night On The Disco Mountain », le fiévreux « Disco Inferno », superbe pièce finale de l’album…), tandis que d’autres incitent plutôt à pouffer de rire (« A Fifth Of Beethoven », qui transforme le premier mouvement de la cinquième symphonie du maître pour l’adapter aux dancefloors) –, sa réussite dépend finalement moins de la qualité de ses parties que de l’absence totale d’esprit de sérieux qui anime l’ensemble. Ce manifeste, c’est celui d’un monde nocturne et festif se souciant peu du bon goût mais trouvant justement par là une sorte de grâce, une grâce permettant de s’approcher du ridicule sans s’y engouffrer. Finalement, on n’est pas si loin du rock’n’roll des pionniers, voire du mouvement punk qui prospérait à la même époque : sans aller jusqu’à parler de subversion à propos de l’utilisation d’ensembles orchestraux dans les tubes disco, on peut relier leur absence assumée d’ambition artistique à la volonté des punks de proposer une musique plus brute, plus « vraie », en réaction à l’explosion dans la première moitié des années 70 des sous-genres du rock de plus en plus conscients de leurs possibilités créatrices et exigeants à l’égard de leurs capacités techniques (glam-rock, hard-rock, rock progressif…). Un rapprochement qui s’arrête toutefois dès lors qu’on considère les aspirations commerciales et la sophistication du disco, à l'opposé de l'immédiateté punk.