En festival, il y a des concerts du midi jusqu'au milieu de la nuit, ce qui fait que des concerts, il y en a forcément de plusieurs types.
Il y a les concerts que tu attends avec impatience, ceux pour lesquels tu es venu jusque dans ce coin perdu où tu n'aurais sinon jamais mis les pieds, même pas dans un rayons de 50 kilomètres à la ronde, dont tu n'avais même jamais entendu le nom et où tu arrives en avance pour te positionner stratégiquement devant la scène avec ta pinte bien fraîche, tes yeux grands ouverts, tes oreilles qui n'ont jamais pesées aussi lourdes et une excitation enfantine comme celle du matin de noël quand tu avais six ans, que tu espérais voir le père noël, son traineau et ses reines, que le sapin te paraissait immense, que toutes ces lumières brillaient dans tes yeux d'enfant et que cette prison du Far West avec ses chevaux et ses cowboys Playmobil, tu l'attendais comme jamais tu n'avais attendu quelques chose depuis le début de ta courte vie.
Il y a les concerts qui viennent titiller ta curiosité, qui viennent gentiment la toucher du bout des doigts avec leur noms familiers et leur airs qui te disent quelques choses de vaguement attractif et que tu attends fébrilement, entre bonheur, joie, crainte et appréhension comme quand petit tu tenais ton paquet de cartes Panini tout neuf et que tu t'apprêtais à le déchirer pour découvrir les joueurs qui t'attendaient sagement dedans, dans leur maillot trop large et dans leur plus beau sourire gêné.
Il y a les concerts que tu n'attends pas vraiment, où tu pourrais aller t'acheter à boire ou bien un petit quelque chose à manger ou bien faire un petit tour de scène en scène ou même retourner au camping te boire quelques Ricard bien chauds en écoutant des mecs déjà plus imbiber que la cerise d'une liqueur à la cerise crier "Apéro" avec plus de cœur que Romeo sous le balcon de Juliette mais où tu te retrouves tu ne sais trop comment au milieu de la foule, les oreilles à moitié attentives, un peu perdues, déstabilisées par cette ivresse montante.
Il y a les concerts de fin d'après-midi qui viennent s'engouffrer dans tes oreilles déconnectées d'un corps tout entier allongé sur l'herbe, en osmose avec ce sol dur comme un rocher sur un sol de pierre maintenant plus confortable qu'un hamac entre deux palmiers sur une plage de sable fin et d'eau turquoise et d'arrières plans verdoyants, lentement caressé par les rayons de soleil qui s'en viennent depuis les confins de notre galaxie terminer leur courses sur ton corps détendu.
Il y a les concerts de fin de soirée, que tu passes ballotté de droite à gauche et puis de gauche à droite et puis de droite à gauche à nouveau, comme une barque perdue avec un grand sourire au milieu d'un océan de notes qui résonnent, sous la lune qui brille et les amplis qui scintillent.
Et puis il y a le concert pendant lequel tu vas au bars pour enchaîner quelques tournées de jolies blondes, où tu vas t'acheter un bon petit pâté en croûte tout chaud et parfaitement doré et où tu enchaînes avec un américain boudin blanc sauce andalouse que tu dégustes dans la lumière rougeoyante d'un coucher de soleil, parce ce que tu prendrais bien sauce Hannibal mais qu'ils n'en ont pas et qu'un américain boudin sauce andalouse t'aurais jamais pu imaginer avant d'en manger un, que ça fait une peu tiens-on-a-une-demi-baguette-et-des-frites-et-puis-tiens-aussi-du-boudin-et-puis-tiens-même-encore-de-la-sauce-andalouse-et-si-on-les mettaient-ensemble-comme-ça-pour-voir, mais en faite c'est vachement bon. Et puis de toute manière, de toute façon, quoi qu'il en soit, on n’est pas venu là pour plaisanter.
Ce concert pendant lequel tu vas t'acheter ton américain boudin blanc sauce andalouse, et bien c'est celui de Selah Sue.
Selah Sue c'est tellement le concert pendant lequel tu vas t'acheter ton américain boudin blanc sauce andalouse que l'autre jour, quand je suis arrivé au travail et qu'une des filles écoutait ce que m'on cerveau a mis plusieurs minutes à identifier clairement comme du Selah Sue, dans une illumination divine digne d'une apparition de la vierge Marie, flottant avec son auréole et son halo de lumière et tout ce qu'il faut dans la pénombre d’une grotte isolée, et bien une envie de boudin blanc est venue se pelotonner tranquillement dans le creux de mon estomac pour ne plus y bouger de la soirée.
Mais Selah Sue, il faut avouer que tu es quand même sacrément mignonne avec tes grand-yeux bleu qui brillent dans le soleil couchant et ta jolie crinière blonde hirsute et ton air de lionceau curieux qui découvre le vaste monde caché sous ses pattes, alors donc si jamais tu lis ces quelques lignes et qu'un jour tu passes par chez moi, n'hésites pas, on écoutera quelques son groovy, parce qu'il parait que t'aime bien ça, que c'est même comme qui dirait ton truc, du Faith No More ou du Lafayette Afro Rock Band, du Digable Planets ou du William Onyeabor, on regardera les étoiles se cacher derrière les lumières de la ville et puis je t'inviterai à manger un petit quelque chose.
Tiens, pourquoi pas du boudin blanc.