Novembre 79, Robert Smith en a assez de tourner et surtout de tourner en rond. Marre d'être comparé à des groupes qu'il n'aime pas (selon ses dires de l'époque), XTC, Television et les Talking Heads en tête, frustré également de ne pas contrôler sa musique (en témoigne le mixage du premier album), son image et son groupe.
Après la tournée avec les Banshees (durant laquelle il officiera sous la double-casquette de guitariste des Cure et de Siouxsie) et la publication du single "Jumping someone else's train" un remaniement ministériel s'impose: Michael Dempsey, le bassiste et choriste s'en va rejoindre The Associates, aux aspirations plus proches des siennes, c'est-à-dire nettement plus mélodique que les démos que lui fera écouter Tonton Robert.
Le Cure Mark II sera un quatuor, outre Simon Gallup, ex-Lockjaw, et surtout très pote avec Robert et Lol, qui viendra marquer la musique de Cure de manière indélébile; à la basse, le groupe sera augmenté d'un claviériste du nom de Matthieu Hartley. Après une tournée de fin d'année des universités anglaises et la première venue en France ainsi qu'un nouveau passage chez John Peel, le groupe sera mûr pour l'épreuve du studio.
La musique justement, puisqu'il est surtout question de ça. Elle en parfaite adéquation avec sa pochette: Brumeuse, fantomatique, mystérieuse et surtout d'une beauté sans pareille.
Robert Smith voulait un disque, qui contrairement à son prédécesseur, soit basé sur une seule ambiance, avec "un son qui a un gros trou au milieu".
Le pari est fort réussi, car l'auditeur de "Three imaginary boys" aura bien du mal à retrouver l'ironie et la sensibilité pop du premier groupe à quelques rares exceptions comme "Play for Today". L'album oscille entre chansons et morceaux ambiants tels "A Reflection", "Three" ou "The final Sound".
La voix se fait légèrement plaintive sur des textes introspectifs, la guitare baigne dans le chorus, la basse est plus lourde et monocorde, les claviers dessinent la voûte et la batterie martèle tel un battement de coeur. La vision sonore de Robert est magnifiée par la production de Mike Hedges.
"Play for Today", "In your House", "M" et le cultissime "A Forest" resteront des favoris pour tout fan de Cure qui se respecte et "At Night" annoncera la couleur pour la suite.
D'une manière, "Seventeen Seconds" peut représenter le véritable départ de la carrière du groupe, celui qui fera de lui un groupe qu'on qualifiera plus tard de "Cold Wave" ou "Dark", du moins un des plus chéris par ce public.
il pleut, et je remets encore une fois la galette sur la platine, comme la première fois il y a vingt-sept ans.
Mon album préféré, de mon groupe préféré.