Éponyme conclusif

Pour situer (sait-on jamais), j'avais adoré la proposition plutôt riche du White Pixel, nettement moins celle de l'itération Black, et plutôt apprécié le plus sage Evol', alors leur dernier en date si l'on ne compte pas la friandise Apelogies.

Je n'ai pas suivi assidûment la carrière de Shaka Ponk ; la possibilité de les voir en festival bien accompagné fût avortée quand ladite compagnie m'a fait faux-bond à vie, cette déception sentimentale m'ayant refroidi quant à vouloir retenter l'expérience live qui serait entachée par ce souvenir douloureux.

Pourtant cela vaudrait le coup selon nombre de leurs fans. Je les crois, mais passons.

Il y a quelques années, au hasard de mes pérégrinations sur le net à la recherche de sujets écologiques, je suis tombé sur le site d'un collectif appelé The Freaks...

Et quelle ne fût pas mon plaisant étonnement de le voir présenté par notre ami François Charon dit Frah, parlant en son nom propre mais aussi celui de son groupe et plantant les graines d'un mouvement "révolutionnaire" qui trouvera sa conclusion dans leur sphère intime six ans plus tard.

C'était alors en 2018, et j'ai commencé à m'intéresser aux orientations "morales" du gars (décidément bien trop pédagogue même vis-à-vis de ses plus farouches détracteurs) qui avec ses potes a depuis estimé que les ressources consommées durant leurs nombreuses tournées participaient à une dégradation globale d'un environnement qu'il faudrait au contraire chérir (sans qu'ils puissent y faire grand chose outre de leur mieux pour réduire cette consommation), et fait le choix de se consacrer pleinement à d'autres projets plus écologiques en alliant la parole au geste. Histoire de nourrir en retour cette vie/planète qui l'aurait déjà bien assez nourri.

Donnant donnant.

Ce pourquoi son groupe envisageait un dernier round avant de tirer sa révérence, pourtant pas trop vieux pour pouvoir continuer à se faire du fric facile...

Passé leur musique dont je n'apprécie pas tous les choix, l'on pense ce qu'on veut de Shaka Ponk humainement, mais associer leur propos à des actions concrètes c'est une manœuvre que je respecte.

Et à défaut d'être incroyable, cet album éponyme l'est également, respectable. Sorte d'évolution naturelle du précédent qui aurait adopté une teinte un peu plus grave.

Si certains riffs (parfois convenus) sont plutôt cools sinon entêtants et que les compositions recèlent de bonnes mélodies, la musique à le bon ton d'adopter une approche épurée, sans les fioritures qui faisaient à la fois le sel mais aussi la lourdeur (péjorative) de leur son. Selon ou l'on se situe quoi, moi à la longue je le trouvais usant, ce pourquoi je les écoute avec parcimonie.

Au mieux l'on notera quelques accords de synthétiseur et un peu d'orchestration pour enrober joliment le tout, mais point d'électronique outrancier.

Aussi, pour la première fois, moins de la moitié des textes sont en anglais, laissant découvrir un produit français écrit par des français - probablement - pour des français, ne visant aucune portée internationale. À peine...

En accord avec le concept sobre du projet, reniant presque les abus esthétiques du passé, quatre clips actuellement sortis ne se permettant aucune fantaisie de synthèse moche et la couverture qu'une simple photographie à-propos.

De fait, c'est un album relativement mature qui va à l'essentiel, sans expérimentations déviantes et faisant dans un rock brut de bonne facture contenant des plages calmes et néanmoins puissant quand il le faut pour ne jamais perdre l'auditeur. Mais surtout délivrant son message avec pertinence.

À ce titre, même si les textes n'ont pas tous la subtilité qui sied à des gars qui doivent approcher la cinquantaine, ils réservent néanmoins de jolies tournures et métaphores qui devraient rester à la portée du tout-venant. Et ma foi c'était certainement le but recherché, Frah sous son attitude désinvolte restant un gars terre-à-terre, intelligent, sachant vulgariser ses thématiques par un "langage" moderne.

Engagé et mordant, ce septième et dernier album de Shaka Ponk se révèle donc honnête musicalement, droit dans ses intentions, et concluant honorablement vingt ans de carrière.

Prévu de longue date qu'il devrait s'agir de l'opus final, l'on aurait pu craindre qu'il ternisse un peu l'aura du groupe. C'est tout le contraire ; il la ponctue avec dignité. Sans en faire trop.