Un brin mégalo, agacé par la comparaison insistante (mais justifiée) avec Pink Floyd et son nouveau statut de successeur de ces derniers, Steven Wilson rumine son déplaisir quant au pourtant réussi The Sky Moves Sideways. Il se trouve à l'époque dans la possibilité d'emprunter deux chemins antagonistes : continuer dans la direction floydienne déjà empruntée, ou durcir le propos autour d'une forme moins atmosphérique et plus pop. La deuxième solution est évidemment choisie par le groupe en guise de pied-de-nez aux raisonnables maniaques de l'étiquetage au Floyd. Pour ce faire, le projet solo Porcupine Tree devient pour la première fois un groupe à part entière : Chris Maitland s'occupe des fûts et des percussions, Richard Barbieri des synthétiseurs,Colin Edwin de la quatre cordes, Wilson reste à la guitare et au chant.
Journellement (et stupidement) vénéré en tant qu'album à l'initiative du "son Porcupine Tree", Signify tire pourtant sa quintessence des débuts psychédéliques d'On The Sunday Of Life et Up The Downstair. Seuls l'aspect pop (à relativiser) et l'omniprésence du chant apportent de la nouveauté à Signify. Le titre éponyme placé après l'anecdotique introduction "Bornlivedie" augurait pourtant une réelle remise en question : la tangible metallisation du son de guitare, appuyée par la basse et associée aux ambiances sombres de Richard Barbieri, font de "Signify" une véritable et excellente surprise, tant par l'aspect antagonique par rapport aux oeuvres précédentes que par la qualité de la composition, sèche, rapide et concise (même si fortement inspirée du "Hallogallo" de Neu!). Du jamais vu chez Porcupine Tree. Néanmoins, l'auditeur s'aperçoit rapidement que cet instrumental éponyme n'est qu'un moyen d'atermoyer l'inévitable : "Sleep Of No Dreaming" revient à des sonorités plus atmosphériques, quoiqu'aussi torturées que les débuts laissaient entrevoir. La prépondérance psychédélique est toujours d'actualité même si vaguement popisée dans l'ensemble – loin d'être étrangère à ce changement, la voix de Wilson est le facteur direct du virage pop opéré par le groupe. A ce titre, "Waiting (Phase One)" peut être appréciée comme la première véritable et vénérable chanson pop de Porcupine Tree. Timide mélancolie, sonorités acoustiques, ligne de chant sympathique : ces nombreux éléments seront repris plus tard pour quelques-unes des meilleures chansons pop du groupe anglais, parmi lesquelles "Lazarus", "Trains" ou "Lightbulb Sun". A partir de la seconde phase de "Waiting", la vague atmosphérique reprend le dessus, pour le meilleur comme pour le pire. Le souci, c'est que le meilleur est en réalité moyen ("Sever", "Dark Matter"), quant au pire... il se révèle soit incohérent ("Every Home is Wired"), soit ennuyeux ("Waiting (Phase Two)"), soit encore plus ennuyeux ("Intermediate Jesus"), soit carrément aux frontières entre l'ennuyeux et le suicidaire ("Light Mass Prayer"). Pour éviter les répétitions, les termes "chiant" ou "emmerdant" sont aussi adaptés à la situation.
En 1996, le groupe Porcupine Tree se cherche encore. D'aucuns considèrent Signify comme objet instigateur du son si caractéristique du quatuor (ce qui n'a aucun sens en soi), mais le subséquent Stupid Dream aura un impact beaucoup plus établi et novateur sur la discographie du groupe. Signify n'est qu'un pot pourri surrestimé de ce qu'a été Porcupine Tree dans sa période chez Delerium : des synthétiseurs atmosphériques, une bonne dose de psychédélisme et un brin de psytrance... Rien de nouveau sous le soleil. Il faut attendre Stupid Dream pour la véritable révélation.