Pour faire court, je pense qu'avec Sit Down For Dinner, Blonde Redhead vient de lâcher dans la nature l'un des meilleurs albums des années 2020. Le souci étant qu'il est plein de défauts, parfois même irritant et que je ne suis même pas certain de l'aimer tant que ça. Disons que pour le moment, il m'obsède, après m'avoir fort surpris. C'est que Blonde Redhead en 2023 n'a plus rien à voir avec sa tambouille volée à Sonic Youth des années 90, sa grosse influence Gainsbarre du début 2000 ainsi que sa triste période « Mylène Farmer shoegaze » qui a suivi. Aujourd'hui, c'est du côté de la pop americana patchouli comme on en trouve beaucoup sur les podcasts des Allah-La's que lorgne le groupe. Des chansons de vie et de mort, de soleil et d'océan, de regrets et de grands espaces comme en turbinaient Robert Lester Folsom, Robyn Hitchcock et même Fleetwood Mac. Une certaine idée de l'instantanéité, de la simplicité, de la douceur, de l'intemporel, de la FM à l'ancienne. Franchement, qui attendait ça d'un groupe dont le morceau le plus proche du tube, This Is Not, ressemblait à une parodie növö ratée de Lio et Jacques Duvall ?
Tout cela serait évidemment encore meilleur si Blonde Redhead ne restait pas un groupe au fond assez limité. Ambitieux certes, mais habitué à se viander sur la ligne d'arrivée à cause d'une production inadéquate ou de voix mal posées. Si la fragilité vocale d'Amadeo Pace reste troublante et touchante, les petits cris de dauphin et autres halètements post-R&B de Kazu Makino, sans parler de son côté Jane Birkin la narine bouchée, sont en effet drôlement moins convaincants, voire carrément irritants. On s'y fait, cela dit. Tout en se demandant comment ça sonnerait avec une VRAIE voix et rappelons qu'il existe un morceau de Blonde Redhead chanté par David Sylvian!!!
Si je pense qu'au moins quatre ou cinq chansons sur les onze de l'album ont toutes les chances dans les années à venir de se retrouver dans séries télévisées de premier plan, il faut sinon aussi admettre que d'autres pistes lorgnent drôlement plus du côté de l'illustration sonore de publicité de boîte d'intérim que de la BO idéale pour une scène marquante de carton HBO ou Netflix. Plus accessoirement, Sit Down For Dinner est aussi un album terriblement mal agencé, qui serait bien meilleur avec les morceaux proposés dans un ordre différent, plus cinématique, justement.
Reste que moi, pour le moment, j'aime. Vraiment beaucoup. Vraiment vraiment. Beaucoup beaucoup. Je n'écoute même quasi plus que ça. Je m'attendais à plutôt kiffer le Slowdive mais bim, c'est Blonde Redhead qui, cet automne, se retrouve en position de l'as de trèfle qui pique mon cœur. Je ne sais pas si ça va encore durer quelques jours ou quelques semaines comme ça. Je ne sais pas si je revendrai cet album sur Vinted en 2024 ou si je l'aurai toujours chez moi en 2043. Je ne vois pas non plus avec qui - dans mon entourage proche de vieux punks, de hipsters du Sud de Bruxelles et de JazzFunkDaddies -, je pourrais partager cet emballement pour un disque tout de même un peu honteux, vu que dans le même style, le Charlotte Gainsbourg avec Air et Jarvis Cocker est tout de même vachement mieux branlé (acheté 2 euros au Brocant'On d'Aywaille, même pas honte!).
Bref, c'est un plaisir solitaire, sans doute même temporaire, et c'est très bien comme ça.
¯\_(ツ)_/¯
Extrait de mon blog : https://www.sergecoosemans.com/2023/10/le-journal-du-quincado-31-aupres-de-ma.html