Héliogabale, empereur romain mythique : dispendieux et païen, selon la légende cruel et sans scrupule. John Zorn, l'un des plus grands génies musicaux de notre temps, choisit cette figure antique comme pièce centrale de l'une de ses nouvelles déviances musicales.
Pour rendre hommage à ce visage de la cruauté élevé en divinité par le choix de nommer chacun de ses forfaits "litanie", Zorn sort les éléments habituels de sa recette : mêler à la rythmique millimétrée du jazz la violence et le chaos du grindcore. Le résultat en est un pot-pourri ultra-violent mais entraînant au-delà de l'imaginable. Les hurlements sans queue ni tête constituant le chant parviennent à ne pas être repoussant et donnent même une partie de la saveur exotique de ce déchaînement musical. Toute une "litanie" de 8 minutes est même intégralement constituée de ces braillements oppressants, pour un résultat des plus malsains et d'une brutalité étonnante.
Que ce soit au niveau du saxophone ou de la guitare, tout contribue à donner à cet hommage sanglant une atmosphère saugrenue mais qui n'en devient que plus malsaine. Les courts passages d'orgue allongent en filigrane une ambiance sacrée en contrepoint au personnage qu'il vénère, Héliogabale le païen. La violence se renferme ainsi jusque dans les petits détails de ce qui n'en paraît pas. Profanes et déroutantes, morbides mais captivantes, rythmées et chaotiques tout à la fois, ces litanies en imposent quelle qu'en soit la manière.