Cet album de 1978 a été un gros succès public et même artistique car « Some Girls » semblent bien le meilleur album des Stones depuis « Exile on Main Street » en 72. C’est vrai qu’on ne donnait plus trop cher de leur peau à la fin des seventies, ils ressemblaient à une relique du passé, un vent musical nouveau soufflait et il va d’ailleurs inspirer Jagger, à ce moment-là le vrai maître d’œuvre du groupe (Richards, lui, est empêtré dans de gros déboires judiciaires à cause de ses addictions et laisse donc la barre à son vieux frère ennemi). Et Jagger justement s’inspire largement de ce nouveau son qu’on peut entendre à Paris et New York, la dance d’abord à travers le disco des boîtes de nuit que fréquente assidument Mick et le punk aussi (les Clash, Pistols étaient passés par là…). Bon, de là à dire comme on le lit parfois que les Stones se sont « réinventés » avec « Some Girls », il ne faut pas exagérer ! Non, les Stones sortent un album solide, très rock et qui est influencé par les nouveaux sons, c’est déjà pas mal et si on pense à la suite, force est de constater que cet album tient (très bien) la route aujourd’hui encore.
La bonne nouvelle, c’est que Ron Wood devient pour la 1ère fois un membre à part entière des Stones et il redynamise le son du groupe, c’est évident. Mick gratouille lui aussi la guitare sur plusieurs titres et sans être un guitariste émérite (loin de là), la formation à 3 guitares prend une belle dimension. Pas de musiciens invités pour préserver le son plus brut, plus concentré des Stones. Et les guitares nerveuses sont bel et bien de retour, en témoignent "Just My Imagination", "Lies" et "Respectable". Le trio Richards, Wood, Jagger fait des merveilles à la guitare et parvient à pallier une section rythmique parfois transparente ("Beast of Burden"). « Miss You » s’inspire d’une rythmique disco et reste un de leurs plus gros tubes aujourd’hui. Même Keith se révèle inspiré avec le morceau qu’il chante, « Before they make me run ». Quant aux paroles, elles sont volontiers provocatrices : «Well now we're respected in society/ We don't worry about the things that we used to be/ We're talking heroin with the president » (« Respectable »). Elles montrent un goût de la mégalomanie fréquent chez Jagger mais aussi de l’autodérision et du 2nd degré (ce qu’on oublie souvent chez lui en prenant tout au sérieux).
« Miss You » va valoir des critiques sévères aux Stones pour ses paroles directes, Jagger ayant bien insisté et expliqué qu’il jouait là un personnage (comme un acteur) et qu’il s’agissait d’une parodie de certaines attitudes stéréotypées, machistes en particulier. Sans atteindre le niveau de « Exile on main Street », ce « Some Girls » même avec quelques faiblesses, reste du très bon Stones (le dernier très, très bon album de leur discographie ???). Ils ont enregistré tellement de titres durant ces sessions, qu’ils pourront utiliser des morceaux rejetés pour les prochains albums.