Songs of a Lost World, 14ème album studio du groupe The Cure, est sorti le 1er novembre 2024.
Au regard des travaux musicaux décevants effectués par Robert Smith et ses acolytes depuis les années 90, véritable traversée du désert compensée par de généreux concerts, ce nouvel album aurait dû laisser de marbre votre serviteur, grand amateur depuis ses débuts d'une formation qui avait bâti sa réputation artistique sur un nihilisme post-punk existentiel dont Pornography constituait l'apogée et auquel j'avais souscrit dès la fin de mon adolescence (La vie m'a montré tous les jours depuis combien j'avais eu raison...). L'écoute du poignant Alone avait pourtant fait espérer ce qui subsistait du fantôme du fan adolescent qui sommeille toujours au fond de moi. Songs of a Lost world est un album dense, post punk et gothique, dont il émane une grande mélancolie (And nothing is forever), celle qui nous frappe tous au fil des ans et qui a été, à n'en pas douter, une épreuve mais aussi une source d'inspiration pour Robert Smith, éprouvé par de multiples deuils ces dernières années. Témoignage de ces épreuves, le titre I can never say Goodbye qui évoque la perte de son frère et un deuil qu'il ne parvient pas à accomplir....
« Something wicked this way comes, From out the cruel and treacherous night, Something wicked this way comes, To steal away my brother’s life ...»
Les contemporains du début des années 80 (Faith, Pornography) ne ressentiront peut être pas dans cet album la noirceur et le nihilisme de la même façon que les plus jeunes . Tout comme moi, vous avez vieilli, peut être souffert et perdu nombre de vos illusions. L'amertume est souvent une réalité à 60 ans, elle demeure le plus souvent un vague concept, voire une posture, lorsqu'on a moins de 30 ans.
L'album est majoritairement marqué par des compositions aux longues introductions auxquelles se greffe le chant de Robert Smith qui n'a pas varié d'un iota depuis les années 90. Les crépusculaires Alone ou Warsong sont autant de titres d'un calibre que The Cure n'avaient pas sorti depuis les années 90 et c'est vraiment réconfortant. Avec cet album, le groupe innove aussi avec la présence et les solos de Reeves Gabrel , notamment avec Drone:NoDrone, un titre bien rock.
Les balades sombres de bonne facture All i ever dream et A fragile thing, plus pop dans la démarche avec son introduction au piano, brille par sa mélodie séduisante sans nier son coté désespéré, rappellent le Cure des années 80 habité par une profonde mélancolie.
But all this time alone has left me hurt and sad and lost
Yeah, every time you kiss me, I could cry
Don't tell me how you miss me, I could die tonight of a broken heart
This loneliness has changed me, we have been too far apart
And there's nothing you can do to change it back," she said
Nothing you can do but sing, 'This love is a fragile thing'
Nothing you can do now but pretend again....
This love is my everything'
But nothing you can do to change the end
(A fragile thing)
Endsong, titre testamentaire fleuve de 10 minutes, clôture l'album sur un tempo crépusculaire, rythmé par la batterie, les nappes de synthés et un jeu de guitare solide auxquels succèdent les paroles désespérées chantées par Robert Smith:
It's all gone, it's all gone
Nothing left of all I loved
It all feels wrong
It's all gone, it's all gone, it's all gone
No hopes, no dreams, no world
No, I don't belong
I don't belong here anymore
(Endsong)
Tel le meteorite qui tourne sur lui même dans l'infini, la vie n'a pas plus de sens que ce gros caillou errant au milieu du néant....
Songs of a Lost World est un testament funèbre mais aussi une renaissance artistique....
D'Alone à Endsong, la boucle du spleen mortifère s'est refermée, comme si on retrouvait Robert Smith juste après la sortie de Disintegration.... Toutes les icônes alternatives des années 80 ont marqué le pas ou se sont désintégrées (Depeche Mode, New Order, Simple Minds, U2....), Après une longue absence marqué par un dernier album studio, 4:13 Dream en 2008, The Cure renaît de ses cendres tel le Phoenix et signe un retour aussi convaincant qu'inattendu.
J'ignore si cet album studio sera le dernier de la formation (Je ne l'espère pas) mais si tel est le cas, The Cure n'aura pas manqué sa sortie (Un peu comme Bowie avec Blackstar...). Merci Monsieur Robert Smith pour cet album qui m'a beaucoup touché , je ne vous avais pas écouté avec autant d'attention depuis tellement longtemps....
Songs for a Lost World audio
Ma note: 8/10