J'ai apprécié U2 sur le tard, lors de la période où ils sont devenus énormes (''Joshua Tree'') et je venais à peine de faire mon serment d'allégeance envers la musique de Belzébuth. L'univers du quartet irlandais m'était proscrit sous peine de bannissement du royaume du Metal ! Dans mon esprit dévoué et limité de chevalier hardos de base, je rangeais U2 dans le même sac à varièt' que Depeche Mode, INXS ou Indochine. Ma réticence se désagrégea instantanément lorsque le blues ambiant de ''Rattle & Hum'' me percuta en pleine gueule jusqu'à tendre l'autre joue pour ''Achtung Baby !'' qui me mit KO avec ses sonorités empruntées au courant Indus ! Depuis je guette et savoure chacun de leurs efforts tout en restant réfractaire à la période précédent ''Unforgettable Fire''.
Février 2014, l'apparition du médiocre single ''Invisible'' baignant dans une soupe au refrain gnangnan m'avait plongé sous une douche froide. Comme un symptôme, je craignais que U2 ne soit contaminé par ce mal contemporain qui décime un à un certains de leurs confrères mastodontes (Coldplay, Muse, RHCP...). De plus, que ''Songs For Innocence'' soit gracieusement offert aux 50 millions d'utilisateurs d'iTunes par le chéquier d'Apple a fait frétiller de crainte autant d'anus flairant une éventuelle arnaque. Aussi, c'est revêtu d'une ceinture de chasteté en adamantium que je me suis livré à chacune des écoutes de leur dernier opus...
''The Miracle (Of Joey Ramone)'' ouvre l'album sous de bons hospices : U2 s'encanaille en évoquant leur idole punk Joey Ramone illustrée par un The Edge crasseux et recouvert de disto flirtant avec T-Rex. L'accueil est enjoué et imparable.
Dès la deuxième plage, le quatuor tempère déjà ses ardeurs via ''Every Breaking Wave'' qui par son refrain et sa prod procurent le désagréable vertige d'entendre U2 faire du Coldplay qui fait du U2 !
''California'' est une chanson guillerette gavée de nappes de synthé qui sied aussi bien à U2 que le survêt à Cary Grant ! Recalé au rang de pigiste, The Edge y intervient pour claquer un solo syndical et anecdotique.
U2 se fait gauler en flagrant délit de recyclage de « With Or Without You ». Loin d'être aussi épique, ''Song For Someone'' souffre d'un refrain tracté par de gros sabots englués dans de la colle.
Pour ''Iris'', The Edge joue les brocanteurs et nous ressert son son des 80's, sa signature si particulière qui permettait de l'identifier instantanément. Sa voix se mêle à celle de son leader en un succulent moment fédérateur.
Durant les 30 premières secondes de ''Volcano'', U2 fouille impunément les partoches de The Cure. Le morceau est sauvé par un riff chaud et grave de The Edge qui est malheureusement sous-employé.
Boosté par la basse ronflante d'Adam Clayton, on retrouve enfin un Bono aérien sur le dynamique mais sombre ''Raised By Wolves'' et où The Edge, très inspiré, intervient dans tous les coins.
Une fois n'est pas coutume, The Edge s'empare d'une gratte acoustique déployant un riff issu de l'accouplement entre ''Bullet The Blue Sky'' et ''Personal Jesus'' approprié par Johnny Cash. Leur beau bébé se nomme ''Cendarwood Road''.
''Sleep Like A Baby Tonight'' au titre équivoque de mièvrerie est un gloubiboulga soporifique de 6-cordes crachant de la disto entre 2 couplets noyés de synthé et chantés par un Bono traficoté et carrément agaçant en voix de tête.
Les vains efforts de The Edge à jongler avec son rack d'effets sur ''This Is Where You Can Reach Me Now'' ne compensent en rien la désagréable impression d'égaler le niveau du répertoire de Yannick Noah !
Les 5 dernières minutes du LP sont dispensées par ''The Troubles'' : basse fretless, des cordes arabisantes, langoureux et typique de U2 où Bono snobe le refrain au profit d'un choeur féminin très pop et atypique dans leur répertoire.
La pochette dépouillée illustre parfaitement le douloureux manque de créativité qui frappe U2 à travers ''Songs Of Innocence''. Inégales, les compos sont majoritairement peu audacieuses, peu inspirées et engoncées dans une production trop lisse qui ne sent jamais du Rock sous les bras ! Les interventions de The Edge sont si éparses que ''S.O.I.'' a de faux-airs d'album solo de Bono, quasi irréprochable dans sa partition mais omniprésent.
Pour soigner ce rhume musical, un remède paraît idéal : confier les malades au docteur Jack White qui se ferait un honneur de les faire cracher dans leur soupe !