Enregistré en quatre jours, et ce quatre ans après Tweez, premier opus chaotique mais intéressant, Spiderland est le champ du cygne de Slint. Si il est aujourd'hui considéré comme un des précurseurs du post-rock (<3), il est pourtant complexe d'enfermer Spiderland dans une case tant ses influences semblent complexes (indie rock? Math rock?) et qu'au final, aucun album ne lui ressemble vraiment.
Il vraiment dur pour moi de parler de Spiderland, peut être plus que de n'importe quel autre album. Au delà de ses qualités sonores évidentes, ce qui fait en effet que le deuxième album de Slint est (à mes yeux) un des plus grands albums jamais enregistrés relève presque du tropisme, de sa capacité à capter toute la complexité émotionnelle d'un passage progressif vers l'age adulte et de la mélancolie qui en résulte. Ce bouleversement progressif mais d'une grande violence se retrouve parfaitement dans le murmure des guitares de Dave Pajo et Brian MacMahan (qui se retrouvent seuls sur le génialissime Don Aman) et dans leur capacité à se mêler au chaos de la batterie de Britt Walford à grand coup de distorsions (comme c'est le cas dans le boulversant Good Morning, Captain qui vient clore l'album).
Mais malgré cette vulnérabilité évidente, la musique de Slint n'est pas pour autant veine ou bêtement contestataire, non, c'est l'expression évidente d'un mal-être profond, d'une frustration profonde et déchirante. Ainsi, Spiderland ne sombre jamais vraiment dans l'étalage d'unpseudo-désespoir adolescent, mais relève plus d'une construction méticuleuse d'une "église à partir de la force [des] peurs" (je traduis à peu près Washer, certainement le meilleur morceau de l'album). Il m'est dur de résister au mur de son et d'émotion que Slint vous envoie à la gueule pendant un peu moins de 40 minutes, et chacune de mes écoutes est une expérience nouvelle et forte d'un chef d'oeuvre rarement égalé.
10 putain/10