Quelques mois à peine après Stonedhenge, Ten Years After publie Ssssh, un album enregistré dans des conditions quasiment live. Il sort en juin, alors que le groupe s’apprête à jouer à Woodstock deux mois plus tard. Les retombées de ce concert donné le 17 août seront énormes pour le groupe, puisque cela va le propulse dans les premières places du Bilboard et lui permettre d’être enfin connu par le grand public. Il faut dire que Ssssh est un vrai chef-d’œuvre, composé de petits brûlots de blues-rock épais, tels que l’excellent « Bad Scene » qui ouvre le bal avec énergie et classe, ou le furieux « Stoned Woman » qui possède des accents southern rock avec sa basse énorme et son groove irrésistible. Le quatuor est plus proche de Jimi Hendrix que des Doors sur cet album, ce qui est évident « Good Morning Little Schoolgirl », la reprise vitaminée de Sonny Boy Williamson que ne renieraient pas des groupes de stoner actuels. Aussi puissant et groovy est l’excellent « The Stomp » qui puise aux mêmes racines du douze mesures qu’un « La Grange » de ZZ Top. Autant dire que cet album pulse dans tous les coins et qu’aucun temps mort n’est laissé à l’auditeur.
Même lorsque le tempo ralentit, comme sur « Two Time Woman », on sent l’âme blues emplir l’atmosphère afin de capter celle de l’auditeur. La voix d’Alvin Lee se fait captivante, tandis qu’elle est émouvante sur « If You Should Love Me », un rock tirant sur la pop, et bien plus chantant que ce que le groupe nous avait proposé jusqu’alors. Un beau moment qui nous fait découvrir une nouvelle facette du groupe. Il en va de même sur « I Don't Know That You Don't Know My Name » nourri de folk et de blues, joué entièrement en acoustique, avec des percussions et des instruments qui épousent les lignes vocales. L’album se clôt sur l’épais blues rock « I Woke Up This Morning », à la guitare distordue et au chant halluciné, soutenus par un orgue judicieux qui se fond dans le rythme pour ensuite se transformer en piano sur le solo. Un des meilleurs titres de cet album, même si on perçoit quelques pains qui n’ont pas été corrigés. La magie du live.
Avec le recul, Ssssh est vraiment un incontournable du rock que chacun doit posséder dans sa discothèque et qui, cinquante ans après, n’a pas pris une ride. A l’époque déjà, il marque le public puisqu’il reste une trentaine de semaines dans le Hit Parade français.