Troisième album de Ten Years After, Stonedhenge est le premier opus qui ne contient aucune reprise. C’est aussi un disque un peu étrange, sur lequel chaque musicien possède sa propre plage destinée à son instrument de prédilection. Ainsi, Ric Lee s’amuse sur « Three Blind Mice », un court titre basé sur la batterie, Chick Churchill nous montre ses talents de pianiste sur « I Can't Live Without Lydia », Leo Lyons se livre à une improvisation à la basse sur « Faro » et Alvin Lee propose, sur « Skoobly-Oobly-Doobob », une improvisation guitare/voix/percussions proche du scat. C’est sympathique, très ancré dans l’époque, mais un peu déconcertant de nos jours.
Une fois écartés ces trois morceaux, l’album se compose de six titres de blues, de rock ou de blues-jazz dont le premier, « Going to Try », débute par une introduction qui commence lentement pour accélérer progressivement jusqu’à quelques notes de piano, avant que le riff blues-rock démarre enfin. Alternant passages rapides et lents, ce titre évoque les voisins des Doors. Bourré de swing, « Woman Trouble » est un blues jazzy sur lequel Alvin Lee joue au crooner, soutenu par un orgue aux sonorités jazz. Tout cela est bien surprenant et montre la richesse de ce groupe qui n’hésite pas à surprendre son auditeur. Il revient néanmoins à un blues-rock électrique avec l’excellent « Hear Me Calling », dont les racines puisent chez Robert Johnson. Plein de groove et de mélancolie, cet excellent titre, volontairement répétitif à la manière des morceaux de delta blues, contraste avec le poignant « A Sad Song », lent et pesant, sur lequel chaque note est posée avec parcimonie.
On pense découvrir la même chose sur « No Title », mais le groupe joue avec nos nerfs en alternant passages angoissants et lâchés d’énergie, à la fois courts et étonnants, avant que le morceau ne parte dans tous les sens grâce à un orgue dément et une guitare plus jazz fusion que blues. L’album se clôt sur le superbe « Speed Kills », un country-blues américain qui donne envie de taper du pied. Une vraie bombe pour clore un album efficace, mais toujours un peu décousu.
Quant aux bonus, passons sur les trois versions « single » ou « américaine » qui raccourcissent les titres, et penchons-nous un peu sur « Boogie On », un blues improvisé sur lequel chaque musicien y va de sa démesure en nous montrant ses qualités d’instrumentiste. Sympathique mais pas indispensable, comme les trois autres « bonus » d’ailleurs. Autant dire que la version CD n’apporte pas grand-chose par rapport à la version vinyle, et paraît bien inférieure aux deux premiers albums.
Le groupe commence à se faire un nom et Stonedhenge rencontre un succès largement supérieur aux deux premiers albums. Il se classe numéro 1 en France et reste quarante semaines dans le Hit Parade (eh oui, il fut un temps où notre pays était ouvert au rock…), numéro 6 en Angleterre et entre même dans le Bibloard. Ten Years After est parvenu à creuser son trou.