Lorsqu’on connait bien Neil Young, qu’on vénère la majeure partie de sa pléthorique discographie en saluant avec respect les sommets qu’il atteint dans des styles aussi différents que le folk, la country ou l’électricité rageuse et épique, chaque nouvel album est l’occasion d’une certaine appréhension.
Comme tous ces dinosaures qui ont construit le rock, l’artiste accuse forcément des coups de fatigue, d’autant qu’il tient mal en place et nous sort un disque pratiquement tous les ans.
Comme tous ces monuments qui ont bien conscience d’avoir suffisamment d’idées et à qui on donne les moyens de tout concrétiser, Neil Young peut tout faire, le sait, et souvent nous emmerde ; il suffit de lire son autobiographie pour s’en convaincre.
Après un projet pour le moins foireux d’enregistrement dans une cabine des 40’s, entre la mise sur le commerce de PONO et le développement de sa voiture électrique, un disque, donc. Parce qu’il semble désormais incapable d’en sortir un sans que l’accompagne un « concept », voici qu’il nous propose ses chansons déclinées en version solo, big band ou orchestre symphonique. Ajoutez à cela à la version de « Who’s Gonna Stand Up ? » de la tournée du Crazy Horse de cet été qu’on nous livra version rock, et le tableau est complet.
Un double album dont le deuxième disque est franchement dispensable, et fait perdurer la fâcherie à l’endroit du génie. Boursoufflée, inutile, grandiloquente, elle a tout de ces expériences que font les riches lorsqu’ils s’ennuient, l’étape suivante étant de le faire pour déguiser un best of, à la « Nicole Croisille reprend ses tubes en version reggae ».
Seulement voilà, il y a le premier disque.
Et il y a le premier titre, Plastic Flowers.
Neil Young est un enfoiré, tout son entourage s’accorde à le dire.
Ce seul titre suffira à vous mettre à genoux. Quelques minutes de pureté inaltérable, qui chuchote au temps que le loner n’a absolument rien perdu et qu’il recommence quand ça lui chante. C’est son plus beau titre depuis pratiquement quinze ans, dont l’épure et la délicatesse portent la singularité de ce chanteur décidemment unique.
Au moment de noter, un choix s’impose : un très beau disque gâché par des boursoufflures ? Un concept inutile de plus illuminé par des pépites atemporelles ?
Je ne note en réalité que le premier disque. Parce qu’il occulte le reste, et qu’après tout, on écoute aussi ce qui nous chante.