Oui c’est décidé, au misérabilisme d’Expérience on préfèrera mille fois la désinvolture grinçante de Stupeflip. Entendons-nous bien, il serait déplacé de dire du mal des premiers au profit des seconds alors que ces derniers ont bénéficié d’une meilleure couverture médiatique, qu’ils ne sont pas confidentiels. Mais il y a tout de même une chose qu’il est difficile de supporter dans le groupe de Michel Cloup et il faut le dire : c’est Michel Cloup lui-même. Sa voix monotone, désespérément défaitiste, associée à ses petits souvenirs de petites choses de crève-la-faim, c’est limite insoutenable. Tout cela sonne faux, terriblement artificiel, forcé. Ecoutez « Entre Voisins », c’est un modèle du genre. Mais plus que ce qu’il dit, c’est le sérieux avec lequel sont assénés ces moments de vie grisâtre qui agace. Finalement Cloup nous donnerait presque envie de lui dire de bouger son cul… Le comble. C’est d’autant plus regrettable que, musicalement, c’est absolument irréprochable : en matière de rock mélodique, bruyant et direct, Expérience est clairement au-dessus du tout venant, Manche et Atlantique compris.
Dans une démarche tout à fait opposée, Stupeflip se révèle finalement beaucoup plus séduisant, et surtout convaincant dans son rôle d’agitateur. Car derrière ses atours de bordel sans nom (ça braille, ça rappe, ça chansonne, ça harde dur), derrière le concept à la con et les paroles semi-débiles, le message est dilué dans un second degré salutaire qui rend la transmission du message d’autant plus efficace. La différence est là : l’élitisme (tant dans les paroles que la musique) d’Expérience s’adresse à des gens déjà convaincus, tandis que, par le rire et sa grande diversité musicale, Stupeflip a le pouvoir de charmer un public pas forcément acquis à sa cause dès le départ. On tient là tout le génie de l’affaire : derrière la pitrerie, faire réfléchir les gens sur leur condition et le monde dans lequel ils vivent. C’est fort, et beaucoup plus ambitieux que ça en a l’air.