Certains critiquent l'approche de Bernstein sur cette cinquième. Si personne ne nie la qualité du jeu de l'orchestre viennois, d'aucuns arguent que l'illustre chef yankee insiste inutilement sur le pathos, jouant la marche funèbre initiale sur un rythme catatonique et surlignant ad nauseam les articulations du drame.


Cette ligne de pensée peut se défendre, il est vrai, et j'ai douté d'abord, ayant découvert cette œuvre dans la version nettement plus aérée, voire austère de Haitink avec le concert gebouw. C'est bien sûr que Bernstein y va à fond dans le drame mais à y bien penser, n'est-ce pas l'option la plus logique? Car au fond, celui qui en fait des tonnes, dans le douloureux pathos, c'est bien Mahler lui-même. Il ouvre sa symphonie par une marche funèbre, nom de dieu! Beethoven et Chopin les mettaient au milieu mais lui entame par un pavé déchirant à sec, assommant d'emblée l'auditeur par le terrible son du déchirement de son âme. On souligne souvent l'affinité de Bernstein avec Mahler, tous deux compositeurs obligés de diriger pour vivre et souffrant du manque de reconnaissance de leurs contemporains pour ce qu'ils considéraient comme leur vraie œuvre, échec de leur vie sentimentale, etc. Alors oui, Lenny est plus mahlerien que Mahler lui-même, et tant mieux. Il y va à fond dans le larmoyant et ça fonctionne à merveille. Ça peut déplaire au partisans d'une lecture plus objective mais tant pis, Mahler, il faut savoir aussi le vivre.


PS: Il est à noter que Bernstein a aussi enregistré la même cinquième avec le New York Philarmonic, dans un esprit similaire.

Listening_Wind
9
Écrit par

Créée

le 3 août 2015

Critique lue 261 fois

4 j'aime

4 commentaires

Listening_Wind

Écrit par

Critique lue 261 fois

4
4

D'autres avis sur Symphonie no. 5 (Live)

Symphonie no. 5 (Live)
Marion_Cvlr
10

Critique de Symphonie no. 5 (Live) par Marion Cvlr

Mahler, un dieu de la musique. Rester insensible face à cette symphonie ? impossible. Comment peut-on ne pas apprécier, ne pas vibrer, ne pas se sentir différent après avoir écouter ce bijou ? On en...

le 28 nov. 2014

3 j'aime

Du même critique

Les Démons
Listening_Wind
10

Ecrire avec un marteau

Pourquoi est-ce mon roman préféré de Dostoïevski ? Kundera a écrit quelque part que Démons est plusieurs romans en un, qu’il amalgame roman psychologique, satyre, comédie, discussion philosophique...

le 17 sept. 2015

48 j'aime

1

Moralités légendaires
Listening_Wind
10

Oh, délices hermétiques de la langue...

Les "décadents" ne respectent que deux choses, à savoir la langue et le mythe, ce qui revient au même. Les "décadents" n'aiment qu'une chose, à savoir les mots. La réalité devait leur sembler bien...

le 20 janv. 2015

15 j'aime

Physique
Listening_Wind
10

De la faille originelle au boson de Higgs

La physique d'Aristote n'est pas une lecture de loisir: c'est aride, c'est décousu, c'est parfois contradictoire (quoique de tous les grands traités d'Aristote ce soit un des plus cohérents), et...

le 9 janv. 2015

13 j'aime

3