Il y a des albums qui vous suivent. Un peu comme une hémorroïde récurrente. Quoi qu’on fasse, on se retourne un beau jour et on voit qu’il est là, cet album, toujours fidèlement collé à notre cul.
Ça a commencé dans la vieille Austin de maman, avec l’archaïque cassette audio. Son morceau préféré, Sweet Home Chicago, lancé à pleins tubes pour égayer les trajets du bambin vautré à l’arrière dans son siège auto.
Ça a continué avec le CD tournant sur la première chaîne hi-fi de papa; Everybody Needs Somebody to Love faisant vibrer les carreaux de la petite maison familiale.
Après ? Sur le mp3 du fiston : 100 mo de disponibles, squattés presque exclusivement par les frangins aux lunettes noires. Et Think passant encore et encore, gravant dans la cervelle suintante d’un lycéen une idée lumineuse : que la musique ne servirait pas qu’à occuper les trajets en bus ou en ascenseur. Une passion qui naît. "THINK !" intimait-t-elle. À vos ordres !
Encore et toujours les mêmes morceaux. Jusque dans une salle de concert, devant The Original Blues Brothers Band. D’original il ne restait plus que Lou Marini et Matt Murphy mais aussi et surtout un esprit vibrant, un amour et un respect immortels pour les fondateurs du groupe. Sensationnel !
Et aujourd’hui ? Une sorte de quotidien coup de pied au fondement vers le boulot et un exutoire sur le retour. Un bonheur infini chaque fois qu’ils pointent le bout de leur truffe sur une playlist aléatoire.
Pour autant, The Blues Brothers n’est pas qu’une histoire familiale. C’est d'abord une histoire de talent(s). L’histoire d’une troupe de musiciens d’enfer. L’histoire de John Belushi, dépassant la plaisanterie pour laisser exploser son génie. L’une des plus grandes injustices musicales sera de l’oublier au panthéon des artistes morts trop tôt… Car plus qu’un grand acteur et comique, il était un putain de chanteur. Il y en a au moins un qui ne l’oubliera pas.
Et puisqu’il faut bien parler un peu de l’album dans tout ça... Le complément parfait et indissociable du jubilatoire chef d’œuvre de Landis : à film mythique, partition mythique. Une refonte fulgurante de vieux standards, tous enterrés par des réorchestrations et réinterprétations éclatantes. L’art et la manière de dépoussiérer le vieux pour en faire du neuf, indémodable en prime. De Mancini à Taj Mahal, les élèves dépassent les maîtres en les laissant sur le carreau. Brillant !
Quand en plus la BO prend des allures de compilation des plus grands noms de l’époque; on ouvre ses oreilles et sa gueule pour chanter, on se dandine et on profite. Ray Charles, Aretha Franklin, James Brown ou Cab Calloway (John Lee Hooker malheureusement absent de la galette), excusez du peu. Avouez que ça a une autre gueule que les réunions pathétiques actuelles de pseudo talents...
Il ne reste plus qu'à voir dans 20 ans où nous en serons tous les deux. Si je ne suis pas mort…
Eux sont immortels, sacrés veinards !
En attendant :
♪ HaDiHaDiHaDiHa !
♫ WhooooooooooOh !
♪ HiDiHiDiHiDiHi !
♫ HaDiHaDiHaDiOh !