Rooley et sa clique ont le grand mérite d'être peut-être les seuls (en tout cas, que je sache, ils sont les seuls), à avoir enregistré l'intégrale de l'œuvre vocale à une et quatre voix de Dowland et si on veut entendre l'intégrale de Pilgrim's solace c'est à peu près la seule alternative. C'est un grand mérite et je ne le nie pas... autant ses compositions pour le luth ont bénéficié d'intégrales de qualité par des artistes inspirés (O'Dette, North, sans même parler des enregistrements pionniers de Bream) et sa musique pour consort de même (Fretworks, Bream encore une fois), autant cette partie de son répertoire est assez partiellement couverte.
Ce qui est d'autant plus dommage que cette interprétation soit si flasque! Certains diront qu'ils jouent la carte de l'intériorité, mais la seule intériorité que je perçois après une demie-heure d'écoute c'est celle de mes paupières. Dowland est un compositeur volontiers introspectif, il est vrai, mais il me semble qu'il n'y a nulle besoin, bien au contraire, d'insister sur cet aspect de sa musique, dont la profondeur parle pour elle-même.
Bon, alors, c'est le problème, on ne trouve nulle part d'entreprise comparable à titre comparatif, mais il y a quand même quelques interprètes qui insufflent une toute autre vie à ce répertoire aussi magnifique que trompeusement simple (par contre, préciser qu'ils sont pour la plupart absents de la base de données de SC serait vraiment enfoncer des portes ouvertes).
Paul Agnew, malgré un certain maniérisme, donne une version très avantageuse et très dynamique des deux premiers livres de chansons (avec Christopher Wilson au luth pour ne rien gâcher). Par ailleurs, il a enregistré avec d'autres et Thomas Dunford des chansons à quatre parties (dont un magnifique I saw my lady weep).
Andreas Scholl fait du beau boulot dans certaines pages de Dowland. Sa voix sans affectation donne une belle profondeur émotionnelle à Dowland.
Ce n'est que quelques exemples, il y en a d'autres, qui montrent qu'on peut jouer cette musique autrement que comme la bande son du plus chiant des enterrements. C'est propre, ça c'est sûr, et comme je disais, c'est l'occasion d'entendre des trucs qu'on entend nulle part ailleurs, mais la flacidité congénitale de l'ensemble est désespérante. Peut-être que ça peut plaire en tant que tel, mais j'ai une version plus aventureuse de Dowland en tête.