Au vu de l'avalanche de critiques positives dont est auréolé ce nouvel album, le détracteur de la première heure que je suis a été pris d'un violent cas de conscience : quoi, je me serais trompé, moi, l'un des contempteurs les plus virulents de Meteora, qui relayais des rumeurs ignobles (la plupart du temps infondée, par exemple que l'album était trop court pour faire un produit digne d'être commercialisé, ce qui avait poussé Virgin à le retirer de ses rayonnages -ils auraient mieux fait de chercher à en vendre plus, d'ailleurs, parce que maintenant ce sont eux qui déposent le bilan), qui forçais le trait en permanence pour comparer avec leurs papas Deftones et Limp Bizkit, qui sans avoir écouté plus qu'un des singles miteux de l'album (ou avoir visionné un live asthmatique chez Conan o'Brian), avais décrété que la moindre création de ce groupe était de toute éternité indigne de figurer dans ma liste d'écoute ?
Surtout, ce qui paraissait le plus inacceptable au fan de rock à l'époque de l'émergence de Linkin Park, c'était l'inauthenticité que l'on prêtait à ses membres, jugés au tribunal du bon goût trop heureux de se remplir les poches de fric par leur utilisation très habile des canons de la mode à l'époque : grosses guitares, chant rappé, gueulard torturé. Ils entraient à ce titre parfaitement dans la catégories des artistes dits "commerciaux", et bénéficiaient en conséquence d'une cote d'amour proche du néant.
L'époque des illusions étant passée, c'est d'une oreille presque bienveillante que j'ai écouté cet album. Joyeux de découvrir des participations prestigieuses telles que celles de Tom Morello, Page Hamilton et, dans une moindre mesure, Daron Malakian, j'ai même un peu poussé les watts en hommage, après tout, au dieu du rock'n'roll qui devait bien avoir aussi touché de l'extrémité de son doigt ganté de cuir l'un de ces musiciens que j'avais tant décrié par le passé.
Et puis le monde est rentré dans l'ordre. Ce n'est même pas de la nostalgie que j'ai ressenti, c'est du soulagement : mon adolescence n'était pas seulement faite d'erreurs.