Au cœur de la trilogie Américaine de U2.
Avec ce cinquième album studio de U2, on nage en plein Far-West, de la pochette du disque en noir et blanc et format cinémascope, aux chansons typiquement "Country" comme la huitième piste "Trip Through Your Wires". Bono y joue même de l'harmonica et pousse des cris de cowboys. Elles sont loin les uilleann pipes Irlandaises d'October...
Malgré ce déracinement certain du pays d'origine, le groupe envoie du très lourd dans "The Joshua Tree", taillé comme un roc. Techniquement déjà, le groupe est plus carré que jamais, la production est moins oppressée par un Brian Eno plus discret, et le disque alterne des hits ultra connus avec des perles plus excentriques et sombres comme "Exit" ou l'implacable "Bullet the Blue Sky". Le début de l'album se consacre aux singles en puissance et la première chanson "Where the Streets have no Name" est tout simplement monumentale. Du U2 des années 80 dans toute sa splendeur. Arrive "I still haven't Found..." et son rythme génial de Larry, et la basse d'Adam qui soutient parfaitement le morceau. The Edge se contente de faire carillonner sa gratte avec grâce, et Bono chante comme les gospels Américains. C'est d'ailleurs un brin insupportable. Mais c'est clairement une grande chanson.
Ensuite on a "With or Without you". C'est encore un single écouté des milliards de fois sur pop fm, mais la production est véritablement aux antipodes de ce qu'on pouvait écouter à la même époque. La texture sonore de ce titre est très captivante, très envoutante en fait. Et le morceau est construit bizarrement, avec cette dernière partie, juste après le "whoooo" de Bono, qui semble repartir bien plus décidée qu'au début, grâce au jeu appuyé de la batterie de Larry, et les notes précises de The Edge. Intrigant.
"Bullet the Blue Sky" est un titre sombre, violent et progressif, qui donne beaucoup de densité à l'album. Que dire du reste ? Que ce n'est pas autant parfait que le début, même si c'est d'un très haut niveau. On oscille entre des chansons émouvantes, de la country un peu grasse, de la country teintée de sons typiquement "U2esque", des passages plus improvisés ou plus "ambient" comme la dernière chanson. Le tout est suffisamment rempli de volupté, de talent et de professionnalisme, pour dire que "The Joshua Tree" est le meilleur album de U2 des années 80, avec "War". Ce sont deux valeurs sûres, les plus abouties, issus de deux époques bien distinctes même si relativement proches puisque dans la même décennie. L'un est issu de la première trilogie Irlandaise, et l'autre de la trilogie Américaine. De toute évidence, deux albums puissants et démonstratifs du savoir-faire de U2 dans les années 80.