Au cours de la tournée de 1984, U2 est tombé amoureux de l'Amérique qui s'est révélée une véritable source d'inspiration pour nos irlandais. L'Amérique aux deux visages, celle de la richesse littéraire, musicale, cinématographique, de ses paysages et de sa liberté, mais également celle de Reagan, de Wall Street, du chacun pour soit et de gendarme du monde ! Terre de contraste magnifiquement représentée par le diptyque Bullet The Blue Sky / Running To Stand Still, véritable cœur de l'album.
En effet si Bullet The Blue Sky est une explosion virulente tant au niveau sonore que du texte, Running To Stand Still est plus un chuchotement désespéré sur les ravages de la drogues à Dublin, reprenant l'histoire là où Bad l'avait laissé. Ce duo, si antagoniste, à l'image des deux Amériques, est le véritable virage de l'album, faisant passer l'auditeur du trio de tubes d'ouverture avec le reste de l'album.
Joshua Tree débute sur la fameuse sainte trilogie de tubes qui reste encore aujourd'hui des classiques. Where The Streets Have No Name ouvre de main de maître cet album culte. Si beaucoup se pâment sur l'introduction fabuleuse (notamment en live), il ne faut pas oublier le reste du titre, véritable TGV sans escales, sans véritablement de refrains, filant droit au terminus sans qu'on s'en rende compte.
Les apparences sont souvent trompeuses avec U2, et cela na jamais été aussi vrai avec I Still Haven't Found et With Or Without You. Derrière leurs apparences "simples" se cachent de véritables bijoux mélodiques voire révolutionnaires. Si With Or Without You est un classique pour nos oreilles, pour l'époque c'était du jamais vu. Bono a appris énormément et les paroles n'ont jamais été aussi fortes, belles et profondes que sur The Joshua Tree !
Avec une Face A tout simplement parfaite, la face B, elle, s'en sort avec les honneurs. Que ce soit le vibrant Red Hill Mining Town ou l'émouvant Mothers Of The Diseapperead qui conclut Joshua Tree à la manière de MLK pour The Unforgettable Fire, avec de l'hommage et du Brian Eno au menu ! Cependant dans ce décor idyllique, je cale toujours autant sur Trip Through Your Wires. Là où U2 sur le reste album restait des irlandais inspirés par la culture américaine, ici on a l'impression qu'ils ont carrément laissé pousser leurs moustaches, enfilés bottes et colliers texans en se mettant presque à de la country ! Bref, ils en font trop et ca ne leur va pas, et même si je reconnais que techniquement c'est correcte. On pourrait reprocher également In God's Country qui, même si tenait la route mélodiquement, n'est pas très intéressante au final !
Heureusement on oublie vite avec One Tree Hill et son final dantesque, mais surtout Exit, sans doute leur plus grand éclair de génie de leur carrière puisque ce fut de l'impro totale, une prise et c'était dans la boîte !
En plein milieu des années 80, à l'instar de l'arbre de Josué au milieu du désert, U2 est un vent d'air frais dans ce tas de rock stars à la chevelure peroxydée barbotant pour un temps à la plage entouré de nanas en bikini fluo. Pas eux, 20 millions d'albums vendus, la couverture du Time Magazine (rejoignant ainsi les Beatles, les Who et le Boss), les premiers Grammy et une tournée des stades font des irlandais les rois du monde en cette année 87 ! Avec ce passionné et chaleureux Joshua Tree, U2 a atteint le sommet de la montagne. Maintenant, le plus dur, c'est d'y rester...