Le fait que RADIOHEAD soit devenu une véritable institution a transformé leur statut d'intouchable en celui de culte vivant tout en dévoyant paradoxalement leurs productions sur la place publique pour le règlement de compte nécessaire à un rétablissement de balance inévitable. En gros, si RADIOHEAD est bien devenu le groupe incontournable et visionnaire de la scène britannique, il a engrangé assez de jalousie depuis 15 ans pour que leur dernier album, bizarre, courtaud et patraque, soit l'occasion de règlements de compte corsés au mauvais esprit. The King of Limbs en a fait les frais. Il faut aussi avouer d'emblée que c'est un album très peu aimable. 37 minutes à peine. Destructuré. Dépressif. Glauque. Une véritable purge de l'identité RADIOHEAD passée à la moulinette d'un rock progressiste plus Crimsonien que jamais. Il faut ajouter que le quintet aura pris tout le monde par surprise en annonçant ce 8ème album quelques jours seulement avant sa sortie, ce qui le transforma immédiatement en occasion ratée. Mais que l'on ne s'y trompe pas. La machine marchande RADIOHEAD tourne à plein. Merci pour eux. Et malgré une déception généralisée qui s'explique par une hauteur de vue exagérée d'une discographie sur-commentée, il faut avouer que ce disque a de la gueule. La rythmique délurée de « Bloom », les trésautements ératiques de « Morning Mr Magpie » ou la ballade désaccordée de « Little by Little », tout concourt à repeindre la cave, du sol au plafond. La voix de Thom Yorke, toujours pleine de reliefs, joue les funambules sur l'exquis « Codex » (plus Beatles que jamais) alors que l'acoustique « Give Up the Ghost » nous évoque la magie noire du bayou. Même si les recherches hypnotiques de « Separator » ne sont pas transcendantes (on retrouve l'influence du travail de York sur son opus solo The Eraser), il faut reconnaître les fulgurances de ce King of Limb, cohérent et morbide, foisonnant, bourré d'intelligence, un peu anémique mais enthousiasmant dans ce qu'il emmerde le fan et l'exégète pédant.
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